mardi 13 mars 2012

L'Italie en crise fin 1917 : Avec les renforts Français efficaces qui s'y rendent (révisé 28 / 09 / 2014)



Revers Allié sur le front Italo-Autrichien


Pourquoi faut-il que la France envoie des troupes en Italie ? A cause d'un grave revers Italien lors d'une bataille sur la rivière Isonzo, (en Slovénie actuelle) bataille plus connue sous le nom de Caporetto qui se termina le 9 novembre 1917. 

Nos alliés ont perdu environ 300000 tués à la suite d'une offensive particulièrement brutale qui a commencée avec une prestation extrêmement brillante d'un jeune officier Allemand qui deviendra très célèbre 23 ans plus tard : Erwin Rommel. 

Le chef italien, le Général Cadorna, n'avait, de son côté, pas compris ce qui se passait. 

Il a réagi avec beaucoup trop de retard devant la puissance de l'offensive ennemie et les problèmes techniques insurmontables qui empêchaient ses hommes de résister (totale inefficacité des masques à gaz livrés !).

Le 11 Novembre, la défaite Italienne datait de juste deux jours, le général Foch fut envoyé en Italie par le général en chef Français, Pétain, pour renforcer le front du Piave et montrer que l'Alliance de la France n'était pas juste un mot. 

(source : Carnets secrets de la Grande Guerre, par le Maréchal Fayolle, Plon, 1964)

Après une lutte d'influence entre Foch et Pétain, le général Fayolle fut envoyé en Italie le 18 Novembre 1917 pour commander non seulement la petite armée Française envoyée en renfort, mais aussi pour conseiller les Italiens.

Il réussit à établir des liens de confiance avec le général Diaz qui avait remplacé Cadorna. Mais, la situation se rétablissant peu à peu sur le front Italien, Fayolle fut rappelé en France en Février 1918 pour commander le Groupe d'Armées de Réserve, avec lequel il jouera un immense rôle pour déjouer les grosses offensives Allemandes du Printemps 1918.





l'envoi des renforts humains et techniques


Au milieu des troupes envoyées en renfort, il est décidé que l'escadrille de reconnaissance 22 sera du voyage. André, évidemment aussi.

Pour continuer l'évocation de mon grand-père, je vais donc m'intéresser d'abord à son transfert vers l'Italie. 

Pourquoi ? parce que le transfert d'une escadrille militaire en 1917 n'est pas simple du tout et que beaucoup de paramètres devaient être pris en compte pour réussir une telle opération.


Le secteur postal de l'escadrille avait dû partir le 14 Novembre, ce qui signifiait que la transfusion d'espoir et d'affection constitué par les lettres des épouses, des mères, etc, si nécessaires au moral des soldats, était interrompue de ce jour jusqu'à leur arrivée en Italie.

L'itinéraire annoncé est étonnant : ils voyager en train jusqu'à Nice, puis finire la route en camion.

Collection personnelle de l'auteur
Convoi automobile transportant l'escadrille MF22 d'André


Juste une sorte de parenthèse : les aviateurs ne partaient pas par la voie des airs. 

Étonnant ? non, c'était en 1917 et l'aviation réelle, je veux dire opérationnelle, n'avait commencé, par la traversée de la Manche, qu'en 1909, il y avait juste un peu plus de 8 ans.

D'ailleurs, qu'auraient fait ces pilotes seuls, sans mécaniciens, sans photographes et sans analystes ? Ceux-ci, associés à leur lourd équipement spécialisé, ne pouvaient partir que par voie terrestre (route ou voie ferrée).

De plus, à la mi-Novembre 1917, les avions de l'escadrille avaient, par temps normal, un plafond d'environ 4500 m et une autonomie de l'ordre de 2 heures. 

Or l'ennemi n° 1 des pilotes sont les nuages et les précipitation. Le risque de givrage était encore mal connu, mais on en avait l'intuition et on se doutait que les avions ne pouvaient pas l'affronter. 

Donc, la traversée des Alpes en hiver n'était pas vraiment une option raisonnable pour des pilotes qui ne volaient quasiment jamais à plus de 2000 m (ça va changer).


Donc, le 17 Novembre, les hommes et leur matériel partirent en convoi vers la gare d'embarquement (que je n'ai pas réussi à identifier, mais qui est probablement un peu à l'Ouest de Nancy).

Il fallut la journée entière pour charger le train.



Collection personnelle de l'auteur
la remorque photo repose sur le wagon de droite


Accessoirement, si je puis dire, la MF 22 ne partait pas seule : 2 divisions Britanniques, 2 divisions Françaises, de l'artillerie lourde et un QG complet, allaient occuper les voies qui vont vers le Sud avec la même destination pendant une courte période.



Collection personnelle de l'auteur -Artillerie lourde : 2 canons de 305 à longue portée

Collection personnelle de l'auteur -quelques obus de 305


A 17 heures, le train s'est ébranlé. 

André et ses collègues du renseignement voyageaient dans la remorque photo. 

Ils y dormirent, évidemment, puisque la première étape durait 17 heures pour les amener à Châlons (sur Marne), où ils arrivèrent le 18 Novembre. 

André dit qu'il n'est pas allé bien loin.

Oui, cela correspondait donc à une forte poussée vers l'Ouest, probablement explicable par une volonté de désinformation de l'ennemi. 

Mais il faut aussi se rappeler qu'à cette époque, il existait de nombreuses compagnies privées de transport ferroviaire. 

J'ai du mal à imaginer la complexité administrative induite par un déplacement de cet ordre.

Par ailleurs, si les trains de voyageurs pouvaient déjà rouler assez rapidement, les trains de marchandises roulaient bien plus lentement. 


Un trajet compliqué


Le transport d'une escadrille, et probablement d'autres unités, doit certainement s'assimiler au transport de marchandises, avec en plus le problème - qui interpelle l'homme du XXIème siècle que je suis - de ne pas risquer d'accident pour les hommes qui étaient transportés dans leurs camions ou dans leur remorques.


Collection personnelle de l'auteur - Trajet reconstitué du trajet ferroviaire de la MF 22 lors de son transfert vers l'Italie. La carte est celle des voies ferrées françaises éditée en 1907.  Les points verts correspondent aux point de passage "obligés".  La gare de départ est proche de Nancy, j'ai choisi Toul.
Ensuite, je suis sûr de Châlons, presque de Langres, puis sûr de Dijon jusqu'à Milan.



Le 19 Novembre, André se réveilla dans un train qui roulait dans un admirable paysage, qui devait être la vallée de la Saône, preuve que le train avait roulé une bonne partie de la nuit. 

Il se rendit compte qu'il n'allait pas à Nice lorsque son train avait quitté la voie vers le Sud à Mâcon et pris la direction des Alpes. Il avait ensuite longé le Lac du Bourget.

Mais à partir d'un certain point, la voie montait et le train était lourd. Il fallut une locomotive en traction et deux autres pour pousser !

Mais le spectacle des montagnes était merveilleux : "les glaciers sous le soleil semblaient des montagnes d'or."

La tombée de la nuit se fit à "la dernière gare avant le grand tunnel", qui n'est pas le Saint Bernard comme André l'avait cru, mais le Fréjus.

Après le dîner, André se coucha dans la remorque. Bercé par le train, il ne se réveilla que "dans la plaine, une grande plaine sans fin, avec des villes, des villages, de jolies églises", il n'était plus en France mais en Italie, dans la plaine du Pô.

C'était le 20 Novembre 1917 et il dormit à Milan.



Collection personnelle de l'auteur - trajet de la MF 22 vers sa zone opérationnelle en Italie
Les points verts sur le trajet continu sont les points de stationnement de l'escadrille
les autres sont des villes qu'André a pu visiter pendant son année Italienne


Si le voyage fut fatiguant pour tous les hommes qui, pour la plupart, ne connaissaient aucun autre pays que le leur - à l'exception d'un pilote Antillais qui venait d'un tout autre monde - je ne peux m'empêcher d'admirer le travail assez méconnu des hommes des différents réseaux de chemins de fer qui ont assuré cette mission apparemment sans anicroche.


Le 21 Novembre 1917, le premier débarquement complet se fait à Ghedi, près de Brescia. La décision de partir leur a été signifié il y a 10 jours et il a fallu 4 jours pour faire le trajet qui doit avoisiner 2000 km.

Je rappelle à l'occasion, que les locomotives à vapeur consommaient de l'eau et du charbon et, à moins de disposer de tenders déjà remplis, elles devaient faire le plein assez souvent.

J'évoquerai la découverte de l'Italie par André au prochain article sur le sujet.




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2 commentaires:

  1. Très intéressant.
    Au sujet des transports ferroviaires en guerre, j'ai lu que les différents réseaux privés avaient été 'militarisés'. La question avait été soigneusement examinée avant 1914. Certains parmi les ingénieurs et personnel des directions étaient Officier de Réserve. Ils ont été mobilisés sur place. Un régiment du Génie (ferroviaire), ayant compté jusqu'à 100000 (cent mille) hommes dispersés sur les points d'intérêt, assuraient des rôles plus spécifiquement militaires. Par exemple, remise en état des voies en zone des armées.
    Le bon fonctionnement des moyens ferroviaires pendant 4 ans a été un grand succès de prévisions et d'organisation. Il en est resté pendant longtemps un organe d'Etat-Major territorial (jusqu'en 1990 environ) appelé la DTMVF, Direction Technique Moyens Voie Ferrée.

    Enfin (pour rire!) mon emploi Mob. a été "Régulateur Voie Ferrée", c'est-à-dire chef de gare en uniforme. Rien ne me prédisposait à un tel emploi hypothétique...

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  2. Merci de ces faits qui montrent que la Grande Guerre, elle,a été très correctement préparée.

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