mercredi 4 avril 2012

L'Aviation d'Assaut : Du bricolage au gâchis (révisé 21 / 06 / 2022 ***)


La percée de Guderian provoque la gueule de bois du commandement Français


Le corps blindé Allemand de Guderian ayant atteint la Manche, les généraux Français, jusque là bien notés parce que bien en cours auprès des politiciens, furent obligés de reconnaître l'efficacité des Panzer Divizionen

Ils cherchèrent alors l'instrument miracle qui permettrait de bloquer la marée vert de gris dans sa progression.

C'était bien tard, nos troupes de qualité n'avaient déjà plus d'armements efficaces - perdus essentiellement à Dunkerque - et nos avions d'assauts avaient perdu la moitié de leurs équipages, déjà si peu nombreux initialement.

A ce moment-là, ils oublièrent que l'Aviation était une arme hyper sophistiquée ne supportant pas le moindre amateurisme.

Ils décidèrent
 quand même de faire n'importe où, avec tout ce qui tombait sous leurs mains, dans n'importe quelle condition et à n'importe quel prix, de l'assaut aérien (dont ils n'avaient aucune pratique ni aucune connaissance).



La très stupide doctrine du sacrifice à tout prix


Ainsi,  le 8 Juin 1940, le général Romatet (chef du Groupement de Chasse 23) demanda  à la Chasse, je cite : "une charge de Reichshoffen".

Obéissants et résignés, 35 héros, totalement oubliés de nos jours, pilotant des chasseurs Morane 406, pratiquèrent 51 sorties (2 par avion suffisamment valide pour revoler). 

Lorsqu'il demandait l'envoi de  Morane 406 pour tenter de détruire des colonnes de chars, Mr. Romatet aurait dû se souvenir que :
  • Ces avions étaient lents : A peine plus de 360 km/h au niveau de la mer. 
  • Leur capacité de tir au canon était limitée à 6 secondes.
  • Ils ne disposaient d'aucun obus capables de percer les cuirasses Allemandes. 
  • Leur structure de fuselage entoilée était perméable aux simples balles de fusils !

Alors, nous, maintenant, nous ne pouvons que regarder les pertes, et nous ne sommes pas déçus, si je puis m'exprimer ainsi !

Le bilan que ce général incompétent a obtenu sur cette seule première mission mesure exactement la pertinence (!) de son ordre : Trois pilotes tués, 5 avions abattus, 1 irréparable (ce qui revient au même), 4 autres gravement touchés (donc très longs à réparer), plus de nombreux avions encore aptes à voler mais déjà abîmés, donc hyper fragiles.

Tout cela en une seule mission pour une poignée d'auto-mitrailleuses (et aucun véritable char) en feu !

Par contre, exactement au même moment, des biplans Henschel 123 d'assaut (que, pour une fois, nos Morane 406 pouvaient parfaitement détruire) s'en donnaient à cœur joie contre nos soldats et nos matériels, y compris aériens.

Au total, en quatre jours seulement, ces missions ont coûté la vie à 9 excellents pilotes, en ont handicapé un nombre comparable et ont offert gracieusement à la Flak une bonne vingtaine de victoires.


Juste un petit rappel : Ces missions commencèrent le 5 Juin. 

C'était le début de l'offensive Allemande décisive qui a conclu la Bataille de France.


Le général Romatet dont je viens de parler avait sans doute oublié - si tant est qu'il l'ait jamais su - que le moindre chasseur était vital pour lutter contre les bombardiers, les mouchards aériens et les avions d'assaut ennemis (Ju 87 Stukas et Henschell 123), ces deux dernières cibles étant tout à fait à la merci des Morane en question. 

(Cela fait douter de la méthode d'attribution des grades supérieurs dans notre Armée, à cette époque, bien évidemment).

Bloquant 35 chasseurs (3 escadrilles !) en pure perte, il a facilité d'autant la tâche de la Luftwaffe.

C'est bien la preuve que les donneurs d'ordre n'avaient manifestement plus ni sang-froid ni bon sens. 

On n'était certainement plus dans un bricolage génial, mais dans un bafouillage sénile.

On peut toujours faire pire... 

Ainsi, il fut demandé à l'Aéronavale Française de participer à la défense terrestre. 

En soi, il n'y avait rien de répréhensible à cela, les marins ont toujours merveilleusement participé aux tâches les plus difficiles dans les moments très durs de notre histoire, comme à Dixmude en Octobre 1914, lorsque 6 000 marins Français commandés par l'amiral Ronarc'h bloquèrent 30 000 Allemands pendant 25 jours.

Et, justement, le Loire-Nieuport 401 /411, dérivé directement du Nieuport 161, était le seul avion Français conçu pour le bombardement de haute précision en piqué. 

Il était aussi le seul avion marin apte à voler haut (9 900 m de plafond).

"On" lui avait choisi un moteur de puissance réduite (690 Cv) qui limitait malheureusement sa vitesse de pointe à seulement ~380 km/h.

La première participation fut celle des bombardiers en piqué Loire-Nieuport 401 / 411, que Vuillemin avait refusés vertueusement, mais qu'il était bien content de pouvoir récupérer. 

Cette action avait obtenu, au prix de pertes importantes, la destruction réelle des objectifs désignés (qui n'étaient malheureusement pas les objectifs les plus pertinents).  





L.N 401 - le crochet d'appontage est visible ici sous le fuselage en amont de l'empennage



Par parenthèse, ces LN 401 / 411, eux, ont très bien fonctionné.

Il n'en alla pas du tout de même pour les autres bombardiers de la Marine, les pitoyables Chance-Vought 156 - plus puissants et, soi-disant, un peu plus rapides - qui étaient un choix de panique. 

(Ces bombardiers américains ne réussirent jamais leurs missions, même entre des mains américaines. 
Leurs pilotes US avaient même changé leur nom de Vindicator en Vibrator ou encore en Wind Indicator, ce qui confirme leurs très médiocres qualités de vol.)

Nos envoyés aux USA - à l'évidence incompétents aux niveaux et technique et tactique - les achetèrent sans comprendre ce qu'ils faisaient. 

L'avion US, totalement dénué de finesse, était entoilé, donc il n'était pas rapide en piqué et il était ultra-vulnérable à la Flak légère comme à la Chasse Allemande.

En plus, son agilité semble avoir été plus que médiocre.

Les Américains possédaient bien un excellent avion de bombardement en piqué, le Douglas SBD Dauntless (futur cauchemar de la Marine Impériale Japonaise), que nous commandâmes aussi, mais qui n'arriva malheureusement  pas à temps.


Nos Chance-Vought 156 SB2C constituaient simplement, pour leurs pilotes, un moyen de mourir héroïquement (or, personnellement, je préfère toujours que ce soit ceux d'en face qui meurent héroïquement - merci Patton -).


Ce qui a été réalisé à ce moment avec ces avions d'assaut, fut réalisé sans compréhension de la pertinence d'une telle action dans le temps. 

C'était bien trop tard par rapport à la percée de Sedan et trop tôt par rapport à la suite évidente, à savoir les 3 dernières semaines décisives de la bataille de France. 

Comme si ces généraux-là n'avaient pas lu le mémorial de Foch (R. Recouly, éditions de France), en particulier le chapitre sur MM. Thiers et Gambetta...


On a donc pas hésité à demander à la Marine d'envoyer ses hydravions-torpilleurs Latécoère 298, qui étaient aussi d'excellents bombardiers, à l'assaut des chars Allemands. 

Et la Marine, peu soucieuse de ses aviateurs ni de ses avions, a évidemment accédé à cette demande.

Certes, pour un hydravion, le Latécoère 298 était rapide (j'y reviens plus loin), maniable et solide. 

Par contre, si ses flotteurs étaient percés, il ne pouvait plus se poser ni sur l'eau, ni sur la terre... Nous en perdîmes ainsi au moins 4.

Donc cet emploi étaient, comment dit-on déjà, ah ! oui... inapproprié, d'autant plus que les méfaits de la Flak étaient déjà de notoriété publique.






Laté 298, photo récupérée sur le site Avions Légendaires - la taille de cible d'un hydravion est considérable...


D'où l'illustration ci-dessous :



Laté 298 abattu pendant une mission d'assaut sur des colonnes de blindés




Parenthèse sur la vitesse de pointe du Latécoère 298 


(source : Latécoère Les avions et Hydravions, Jean Cuny, Docavia 34, ed. Larivière)

Le prototype avait atteint 286 km/h, marquant un progrès considérable par rapport aux hydravions Levasseur qu'il devait remplacer (210 km/h). 

Mis au point, le Laté 298 fut régulièrement crédité de 290, voire 295 km/h.

A l'évidence, depuis 1931, notre Marine semblait bloquée sur quelques points de doctrine.

En particulier, les amiraux, enfin, ceux qui avaient le pouvoir de décider, ne comprenaient pas que les avions devaient pouvoir fonctionner dans un espace à 3 dimensions. 

Étonnant de la part de gens qui avaient tous fait d'excellentes études mathématiques. 

Alors, pour ce qui est de l'Aéronavale, elle était priée de fonctionner seulement entre 0 et 2 500 m.

Si on avait monté un moteur Hispano 12 Y 31 de série sur cet avion, il aurait gagné 2 000 m et donc environ 40 km/h (soit environ 330 km/h). 

Mais, surtout, avoir privilégié l'hydravion par rapport à un avion "à roulettes" n'était 
stratégiquement pas vraiment sérieux !
Mis sur le porte-avions Béarn, le Latécoère 299 - version terrestre du même avion - qui avait démontré 356 km/h à seulement 1 500 m (!), aurait sans aucun doute passé les 400 km/h à 4500 m d'altitude avec le moteur standard du Morane 406. 

Il eut été beaucoup plus efficace que sa version bi-flotteurs dans quelque rôle que ce soit et son rayon d'action en eut été fortement augmenté.

(Même un avion commandé 4 ans plus tard, comme l'hydravion de chasse Dewoitine HD 780, n'était pas censé voler plus haut, ce qui, malgré un moteur Hispano-Suiza 12 Y 51 de 1 000 Cv, limitait sa vitesse prévue à 440 km/h !)

Il va de soi que la manière dont les décideurs employaient nos bombardiers moyens ressemblait aussi à des missions d'assaut, ce que Jacques Lecarme regretta amèrement.

Manifestement, les généraux Allemands étaient infiniment plus compétents que les nôtres, hélas.








2 commentaires:

  1. Lassaigne jérôme7 mai 2014 à 22:58

    Le SBD est considéré comme un très bon avion, alors qu'à la même époque le Su2 qui lui est supèrieur en tout est considéré comme dépassé.

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  2. Le Douglas SBD Dauntless s'est révélé excellent en opération dans le rôle de bombardier en piqué, à cause de son agilité qui lui permettait souvent d'éviter les coups, de sa charge de bombe - 1 tonne - et aussi de son rayon d'action (voir mon post sur le bombardement en piqué).

    Le Sukhoi Su 2 est bien plus rapide, vous avez raison.
    Il était plus puissant de 200 Cv que le SBD.
    Par contre, sa structure mixte le rendait plus lourd de 300 kg à vide.
    Il transportait moins de bombes moins loin.

    Il est possible qu'il ait été très inconfortable et surtout, facile à descendre, en comparaison de l'Il 2.

    Mais les soviétiques, à ma connaissance, n'ont pas eu l'occasion de piloter de Dauntless.

    Peut-être ne l'aurait-ils pas apprécié ?

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