lundi 27 mai 2013

Du Mureaux 115 au Potez 63-11 : Evolution du Renseignement Terrestre puis Aérien des origines jusqu'en 1940 (Révisé le 01 / 03 / 2023 ** ***)


(This post exists in English in my other blog)


Le renseignement militaire et la guerre, avant l'Aviation



Le bon sens montre que, pour gagner un combat, même un combat individuel, il faut déceler et comprendre les actions de l'adversaire pour pouvoir y répondre de manière adaptée à ses propres moyens. 

Bien évidemment, c'est encore plus vrai pour celui qui mène une bataille et plus encore pour un chef de guerre et quelle que soit l'époque. Pour cela, il est nécessaire d'observer au moins l'ennemi (et, même,  il n'est pas interdit d'avoir une idée sur ses propres forces).


L'observation du champ de bataille (que la bataille soit en cours ou qu'elle soit encore à venir) est un élément du renseignement militaire, dédiée à l'analyse des mouvements de troupes amies et adverses et à celle de l'impact des armes amies et du combat des hommes.


(L'espionnage est un autre élément du renseignement militaire, mais l'espion n'étant utile que s'il reste inconnu de l'ennemi, il est risqué pour lui de communiquer avec ses correspondants

Ses informations concernent donc plus le niveau stratégique que le niveau tactique.)


Pendant l'Antiquité, les combats se déroulaient obligatoirement à vue directe, sans l'aide d'aucun dispositif optique. 


Dans une plaine à la végétation rase, le point d'observation optimal pouvait être un grand cavalier doté d'une très bonne vue et monté sur une grande monture (et pourquoi pas, un éléphant !). 


Dans les meilleures conditions, cela assurait une distance de vision de l'ordre du kilomètre. 

L'information visuelle alors recueillie aurait tenu sur un très mince ruban, presqu'une simple ligne.


Notez que, pendant la Grande Guerre, les artilleurs n'avaient pas de meilleure vue, bien au contraire, la plupart du temps (voir la photo ci-dessous, issue de mon grand père et du premier post que j'ai consacré à son aventure militaire).




Mais, lors d'un été bien sec (donc propice aux actions militaires), les nuages de poussière, soulevés autant par les troupes à pied que par la cavalerie, réduisait fortement la distance maximale permettant une vision précise, donc analysable à coup sûr. 

La ligne d'information devenait, en quelque sorte, une ligne pointillée.


Bien sûr, on cherchait autant que possible à éviter un tel cas et les grands capitaines se débrouillaient pour s'installer sur une éminence qui leur assurait de voir, dans les meilleurs cas, à plusieurs kilomètres.

Bien sûr, des éclaireurs amis étaient placés astucieusement pour multiplier le nombre de points d'observation, ouvrant de nouveaux angles de vues et complétant d'autant la couverture de la surface analysée. 
Des estafettes assuraient les liaisons avec le chef de guerre.

Mais les transmissions n'étaient pas instantanées ni synchronisées, ce qui rendait difficile d'en tirer une interprétation correcte de l'évolution de la situation tactique.


Depuis la Renaissance, la lunette de Galilée avait affiné (un peu) la qualité de cette analyse, en même temps que l'artillerie livrait la Mort bien plus loin que dans les temps anciens. 

L'image du dispositif adverse restait, cependant, encore bien mystérieuse, ne serait-ce que parce que la poudre noire provoquait une fumée dense qui se transformait en brume plutôt épaisse. 

La position du soleil jouait alors un rôle non négligeable, favorisant déjà celui qui avait le soleil dans le dos.


Plus tard, évaluer l'efficacité des tirs d'artillerie était devenu essentiel dès lors que la portée des canons avait commencé à dépasser nettement le kilomètre. 




Ce que la Conquête de l'Air a apporté


C'est l'avantage qu'apportèrent les ballons d'observation - hauts et immobiles par définition - depuis Fleurus (1794) jusqu'à la fin de la Grande Guerre. 

Là, l'information obtenue était passée d'une ligne à une surface, très détaillée près des observateurs et plus sommaire loin d'eux.

L'Aviation d'Observation a hérité de presque toutes les missions dévolues aux éclaireurs des guerres terrestres

Pourtant, il ne faudrait surtout pas croire que ces combattants-là aient pour autant disparu : Ils ont juste des rôles beaucoup plus précis, et encore plus dangereux, pour eux comme pour l'ennemi. 
Ils sont une partie des célèbres forces spéciales.



L'Avion voit de haut, bien plus haut que les 800 m des ballons captifs de la Grande Guerre, et il se déplace là où il plait au pilote - ou à son donneur d'ordre - d'aller sur le champ de bataille. 

Certes, il ne voit pas tout, car certaines données restent cachées, mais il voit vraiment très bien et, surtout, de manière à peu près homogène sur toute la surface qu'il observe. 

Cette capacité d'observation ne s'acquiert qu'au prix d'une éducation assez longue. Par contre, on oublie souvent que le pilote, par nature, est celui qui voie le mieux.

L'Aviation d'Observation est, par définition, une arme aérienne par ses moyens d'action

Mais elle est aussi une arme terrestre du fait qu'elle observe le champ de bataille terrestre et que le destinataire privilégié des renseignements qu'elle obtient est un officier de l'Armée de Terre.

L'avion d'observation qui avait positivement ravi les observateurs de l'Armée de Terre dès 1916, était le Farman MF 40, que l'on peut définir très exactement comme un balcon volant

C'était un avion très grand (52 m² de surface de voilure pour un peu plus d'une tonne de masse au décollage) et très lent, dont la nacelle, assez bien profilée, assurait une vision panoramique parfaite.





Document personnel de l'auteur - Une mission Japonaise examine le poste de l'observateur  d'un Farman MF 40 de l'escadrille de mon grand-père André Delpey - La notion de balcon volant est bien perceptible.


Malheureusement, cette perfection du champ de vision joua le rôle de drogue sur nos officiers supérieurs qui demandèrent en permanence que les avions ultérieurs en soient aussi dotés. 

Mais, la puissance de moteurs ayant augmenté et la vitesse aussi, d'infâmes contraintes aérodynamiques se firent jour

Dans le même temps, de vilains avions de chasse avaient pris la très mauvaise habitude de descendre les balcons volants

En plus, on ne pouvait même pas interdire l'usage de ces avions, quel scandale !


Alors, après avoir guerroyé contre les aérodynamiciens, on a exigé que les surfaces transparentes permettant de voir depuis l'avion soient "optiquement plates", voir complètement ouvrables.

On imposa aussi des pilotes qu'ils volent à basse altitude, comme au bon vieux temps. 

Pendant ce fameux "bon vieux temps" (la Grande Guerre, quand même...), les vols à basse altitude entraînaient souvent la mort d'aviateurs fusillés par des tireurs d'élites ennemis (il se pourrait même bien que cela puisse encore arriver longtemps après le passage de l'an 2000...).


[ ParenthèseCette Aviation d'Observation fut aussi - progressivement - le point de départ de l'Aviation de Reconnaissance, dont le rôle, bien plus stratégique, a commencé à s'affirmer à partir de 1917.

Ainsi, la première reconnaissance à avoir joué un rôle stratégique fut celle du caporal Louis Bréguet, pilote et constructeur d'avion, et du Lieutenant Wateau -  futur général - qui décelèrent les premiers, le 2 Septembre 1914, l'inflexion de la marche de l'armée de Von Kluck vers le Sud-Est. 


Bien que ces deux hommes n'aient pas été crus en haut lieu, leurs observations, confirmées par celles d'autres observateurs, ont amené le Général Gallieni à déclencher la contre-attaque victorieuse de la Marne (5 Septembre 1914).



L'Aviation de Reconnaissance, ou, plus précisément, de Reconnaissance Stratégique était devenue incontournable dès lors que les avions avaient démontré suffisamment de fiabilité et de performances pour que l'on puisse utiliser les données qu'ils rapportaient. 


A ce sujet, l'évolution de l'escadrille d'observation 22, dont mon grand-père analysait les photographies entre 1916 et fin 1918, en est caractéristique, puisqu'elle termina cette guerre comme escadrille de reconnaissance.]


Evolution du matériel dans les années 30


L'un des nombreux problèmes qui se sont posés à l'Aviation d'Observation en Mai 1940 vint justement de la Guerre de Mouvement.

En effet, malgré les ouvrages de nombreux militaires français, dont ceux de Charles De Gaulle, cette forme de guerre n'avait pas du tout été anticipée pour nos "géniaux" décideurs, qui, ayant passé plus de 40 mois dans la Guerre des Tranchées, avaient oublié que cet épisode s'était terminé victorieusement par le retour à une guerre de mouvement

(Source : Les données sur l'entre-deux-guerres proviennent de l'excellent livre de Raymond Danel et Jean Cuny, L'Aviation Française de Bombardement et Renseignement, Docavia n° 12.


Il me semble pertinent de commencer l'analyse du matériel aérien à partir du début des années 30. 

Le matériel issu de la Guerre précédente n'était évidemment plus en service. 

Il avait été remplacé par des avions d'une fiabilité considérablement améliorée, beaucoup plus puissants et plus rapides.

L'avion à tout faire de notre Armée était le Potez 25un biplan de 450 Cv, apparu vers 1925, mais perfectionné et fiabilisé. 

Il avait une longueur de 9 m à 9.35 m (suivant le moteur choisi) pour 1 230 kg de masse à vide et 1945 kg de masse au décollage (dont 315 kg de combustibles et lubrifiants)
Sa voilure avait une envergure de 14 m et une surface de 46 m².

Sa charge alaire de 42 kg le rendait très maniable, facile à piloter et à poser où que ce soit. 

C'était - pour l'époque - un avion plutôt rapide qui volait à 235 km/h au niveau de la mer, 230 km/h à 2 000 m et 225 km/h à 3 000 m. 

Il se posait à 80 km/h.

Il montait plutôt bien et son plafond de 7 200 m était très honorable - en l'absence de tout compresseur - pour l'époque (aucun problème en montagne, comme Guillaumet et Mermoz le démontrèrent brillamment dans la Cordillère des Andes).




 Document de l'auteur - Le Potez 25 - Un biplan très bien pensé.



Son entretien était aisé et on pouvait monter divers moteurs dessus. 

On pouvait aussi l'utiliser pour de l'attaque au sol (mais aussi pour transporter du courrier, comme à l'Aéropostale).


Les choses changèrent à partir de 1930, plus pour rénover le matériel et donner du travail aux constructeurs que pour faire avancer les concepts.

Trois avions entrèrent en ligne. 

Le Bréguet 27 (premier vol en 1929) matérialisait la tentation de retrouver un balcon volant. 

La masse à vide de ce biplan, supérieure de 500 kg à celle du Potez 25, trahissait l'ampleur des renforcements de la poutre arrière rendus nécessaires pour minimiser les torsions induites sur le fuselage par les efforts aérodynamiques supportés par l'empennage.

 



Bréguet 27 : La brutale réduction du fuselage après l'habitacle augmentait certes un peu le champ de vision mais au prix de gros problèmes mécaniques...


C'était un avion relativement rapide à son entrée en unités opérationnelles - 240 km/h - vitesse un peu supérieure à celle du Potez 25 (certains prototypes à moteurs à compresseurs dépassèrent largement les 300 km/h), pour une masse au décollage quasi identique mais sans bénéficier de la même polyvalence . 


Le Potez 39, monoplan parasol, le suivit rapidement, sans apporter de progrès substantiels.

Une fois de plus, les décideurs ne savaient toujours pas ce qu'ils voulaient vraiment. 

Ils considéraient un peu l'avion comme une sorte de cheval qui devait leur permettre de réussir des missions très différentes. 

Puisque beaucoup de choses étaient possibles avec le Potez 25, il fallait de nouveau trouver l'oiseau rare à tout faire : Observation, Reconnaissance et Harcèlement dans les régions colonisées qui n'étaient "pas totalement pacifiées" (= qui se révoltaient souvent). 

Cela signifiait la possibilité d'emmener 200 kg de bombes de petit calibre.


En 1932, l'arrivée des moteurs à compresseurs rendait totalement dépassés les avions commandés vers 1930 qui en étaient dépourvus, et qui, de ce fait,  restaient très lents. 

Cette situation rendait impossible les missions de reconnaissance dans les profondeurs des lignes ennemies, puisque le temps de présence dans ces territoires devait être le plus réduit possible pour échapper à la Chasse adverse.

Un concours avait déjà été lancé un peu avant cette révolution technologique. 

Plusieurs prototypes, tous des monoplans parasols, en étaient issus : Le Nieuport 580, le Latécoère 490 et l'ANF Les Mureaux 110 étaient les mieux notés. 

Curieusement, aucun des moteurs de ces avions n'était encore équipé de compresseur mais on savait que le motoriste (Hispano-Suiza) travaillait efficacement sur ce problème.


Si le Latécoère était le plus fin, donc le plus rapide avec ~280 km/h au niveau de la mer, le Mureaux (265 km/h) montait plus rapidement à haute altitude et son plafond était plus haut.

Le Mureaux 110 remporta le marché et fut construit à 240 exemplaires en 3 versions (113, 115 puis 117).  

A ce moment, personne n'avait encore compris que cette victoire n'avait pas vraiment de sens.

Certes, le Mureaux allait gagner plus de 50 km/h à 4 500 m d'altitude (~320 km/h) lorsqu'il reçut enfin le moteur Hispano-Suiza 12 Y drs de 860 Cv à compresseur. 

Il se montrait, de plus, particulièrement maniable : Il disposait d'une grande voilure (34.90 m²) qui lui assurait une charge alaire de l'ordre de seulement 85 kg/m². 

On s'en servit donc également pour la chasse de nuit mais aussi pour entraîner les premières escadrilles d'assaut.





Mureaux 200, à habitacle fermé, plus rapide de 20 km/h que le Mureaux 115, était exactement équivalent au Henschell 126 Allemand. Cette amélioration modeste ne fut pas généralisée, même si elle aurait permis d'effectuer plus confortablement les missions à très haute altitude - Le radiateur, très mal dessiné, "mangeait" au moins 20 km/h - L'échappement Bronzavia visible ici, censé réduire les flammes pendant les vols de nuit, ne réduisait pas du tout la traînée...


Le Mureaux pouvait voler à très haute altitude : 8 000 m, voire plus (plafond pratique 10 000 m), car cet avion était un excellent grimpeur (une version grimpa même à 14 000 m).

Mais, en mission à très haute altitude, son habitacle contortupliqué, anti-aérodynamique - deux parebrises successifs, tous les deux bien verticaux et très hauts, pour que l'observateur puisse être debout (!) - et ouvert à tous vents, plaçait les équipage à -40° C pendant des missions pouvant durer 6 heures ! 

Cet inconfort radical ne permettait pas d'effectuer efficacement les missions de reconnaissance lointaine. 

Le futur amiral Pierre Barjot avait donné une saisissante description de ce genre de mission dans son livre l'Aviation Militaire Française en 1939.

Le Mureaux 200, avec son habitacle fermé et plus rapide (340 km/h), aurait complètement échappé à ce défaut. 
Un travail aérodynamique sérieux sur le radiateur aurait même permis, à vraiment très peu de frais, de faire passer la vitesse à près de 360 km/h. 

Cela n'intéressa personne.

Tel quel, déjà, le Mureaux 115 pouvait - techniquement - faire sans crainte des reconnaissances en profondeur au-dessus de l'Allemagne jusqu'en début 1937. 


Ce fut le moment de l'arrivée en formation des chasseurs Messerschmitt 109 B, C ou D, qui volaient entre 460 et 470 km/h. 

Cela rendit le Mureaux périmé dans ce rôle où il fut remplacé par le plus que regrettable Bloch 131

Ce dernier avion était effectivement significativement plus rapide (350 km/h - voire 380 km/h - suivant les moteurs, ce qui lui aurait permis de donner un bombardier de jour plus adapté que l'Amiot 143, même si sa charge de bombes était moitié moindre).

Par contre, le Bloch 131 montait nettement moins bien et moins haut (il souffrait d'un sur-poids d'une tonne) et tournait bien moins serré que le Mureaux.


S'adapter aux conditions du combat


Toutefois, on pouvait encore utiliser les très solides Mureaux 115 pour l'observation : Plus de 220 exemplaires formaient encore l'ossature de notre Aviation d'Observation le 10 Mai 1940.

Les témoignages (à un près, à découvrir plus loin) recueillis par Icare ne témoignent pas d'une passion pour le Mureaux. 

Mais il me semble que c'est un biais lié à l'époque : La plupart de ces avions étaient usés, en particulier au niveau des moteurs, et les doctrines d'emploi étaient inadaptées, j'y reviendrai, en essayant d'éviter les anachronismes qui guettent celui ou celle qui écrivent plus de 80 ans après les faits. 
Beaucoup furent perdus stupidement car leurs bases opérationnelles étaient souvent peu distante (20 km) de la frontière Allemande ! Les avions de ce genre avaient l'autonomie nécessaire pour décoller de 70 km plus loin !



Des avions sous-employés, parqués sur le chemin des armées Allemands !



Les témoignages sur l'activité des Groupes Aériens d'Observation (GAO) viennent des n°53 et 59 d'Icare.

Notez, en passant, que les témoignages concernant la Campagne de France n'ont même pas permis de remplir un volume complet de cette superbe revue alors que la Chasse, moins nombreuse, en a rempli 5. 

C'est une cruelle indication du nombre de problèmes que notre Aviation d'Observation a rencontré pendant la Campagne de France, et en particulier du nombre de ses morts au combat. 

Le premier de ces problèmes fut le sous-emploi ahurissant des 12 GAO qui avaient en charge l'observation de la zone de pénétration du corps blindé Allemand de Guderian. 

On attaquait une Armée et les chefs de celle-ci ne cherchaient même pas à savoir comment l'ennemi procédait !  

Ne vous étonnez pas, alors, que la VIIème Pz. Div. de Rommel ait pu être, pour nos chefs, une "division fantôme" !


Le second problème, à l'évidence connexe au précédent, c'est que les aérodromes des GAO étaient littéralement collés à la ligne de front par ordre des généraux terrestres. 
Manifestement, ils avaient oublié que les Mureaux volaient près de 3 fois plus vite que les Farman MF 40 de 1916. Ils pouvaient donc venir de plus loin...

Conséquence inéluctable, les GAO furent très vite attaqués par l'aviation ennemie puis capturés par les troupes au sol, ce qui détruisit l'organisation de ces GAO dont seuls les pilotes et quelques avions purent s'échapper.



Pas d'expérimentation ? pas de succès !


Le concept de l'avion d'observation en Mai 1940 apparaît comme un simple "copié/collé" de ce qui se faisait en 1916 au dessus des tranchées, sans tenir aucun compte de la guerre de mouvement

On partait de l'idée que l'avion d'observation devait être capable de "pointes de lenteur" (témoignage du général de Lesquen, Icare n° 59) permettant à l'observateur - officier toujours issu de l'Armée de Terre - de trouver les informations pertinentes.


En réalité, beaucoup de problèmes commencèrent avec les grossières fautes d'emploi du tout début de la Drôle de Guerre. 

On avait envoyé des bombardiers Bloch 200 et des Mureaux 115 isolés au dessus de l'Allemagne, en plein jour et sans protection de chasse. 

Bernard Dupérier, qui commanda plus tard le célébrissime Groupe de Chasse Alsace des FFL, était pilote de l'un des 9 Bloch 200 - bien plus lents (285 km/h) à leur entrée en service fin 1934, avec des moteurs neufs (!) et patauds que les Mureaux - qui furent envoyés le 9 Septembre vers la ville de Trèves. 

Sept Bloch 200, sur les 9 envoyés, furent abattus, coûtant à notre Armée un colonel, un commandant de groupe et quelques commandants d'escadrilles (et je n'évoque même pas les 7 mitrailleurs) ! 

Tout cela "pour faire des croquis à main levée" !

Après cette casse considérable (aisément prévue par les intéressés eux-mêmes) l'état-major octroya aux Mureaux une escorte de chasse et interdit le survol de l'Allemagne par les avions lents non escortés.



Faits d'armes


Le meilleur récit - à mon avis - sur le Mureaux et son comportement de vol en combat est celui du futur colonel Edmond Petit, dans Icare n° 53, La Drôle de Guerre

Le 24 Septembre 1939, il pilote un Mureaux au sein du GAO I/520 pour faire 2 bandes de photos au dessus de la Sarre alors que son Mureaux était lui-même escorté par 5 Morane 406 du GC I/3, dirigés par le capitaine Pape.

Cette mission est interminable, à 3 500 m d'altitude, en suivant un cap parfaitement constant et sans avoir le droit au moindre angle de roulis (histoire de rendre plus facile la tâche de la Flak et celle de la Chasse Allemande !).

L'escorte est un peu loin et, de fait, après la fin de la première bande, au moment où Edmond Petit va démarrer la seconde bande, l'ensemble du dispositif est attaqué par neuf Messerschmitt 109 du JG I/53 (l'escadre dirigée par le grand Werner Mölders).  

Sept chasseurs Allemands s'occupent des 5 Morane pendant qu'un Rotte (2 avions) attaque le Mureaux. 

C'est une bonne méthode. Pourtant, cette fois, elle ne donnera rien.

Edmond Petit, bien sûr, est surpris par l'attaque. 

Son Mureaux a reçu, coup sur coup, deux obus dans le fuselage, probablement un par chacun de ses adversaires qui l'attaquent en piqué. 

Son observateur / mitrailleur, le lieutenant Bernard est blessé par le second obus.

Le pilote Français vire aussi sec qu'il le peut (et, là, c'est vraiment très serré) tout en grimpant au maximum. 

Les Messerschmitt, incapables de tourner aussi serré, n'arrivent pas du tout à suivre cette manœuvre, ce qui permet au pilote Français de se placer en bonne position et de tirer sur son premier adversaire. 

Quelques manœuvres plus tard, alors que l'autre Bf 109 l'attaque, Petit arrive encore à le tirer et l'Allemand s'en va pour de bon.

Le capitaine Pape vient, avec son MS 406, escorter le Mureaux qui rentre plein gaz au terrain (Il a, lui aussi, raconté son combat dans Icare). 

Edmont Petit réussit l'atterrissage le plus doux de toute sa carrière de pilote et le Lieutenant Bernard fut emmené à l'hôpital : Il était sauvé. Ouf !



L'échec des donneurs d'ordre

En haut lieu, on n'avait en tête que des observations de longue durée (jusqu'à 2 heures), alors qu'elles n'auraient dû être que des pointes très courtes (Commandant Mariage).

Les liaisons avec les troupes au sol se faisaient par messages lestés jetés devant un QG terrestre !

Mais elles auraient dû être radiophoniques (le lien ci-contre renvoie à la première section de mon article sur les bimoteurs T3 de 1940 où un texte d'époque donne une vision claire de la chose) et, comme on le dirait maintenant, en temps réel. 

Ce fut la méthode employée avec succès par les aviateurs et les tankistes Allemands.



Un article récent dans GBM n°104, sous la plume d'Aimé Salles (Les réseaux de commandement de chars D et l’ER 51), indique que le matériel radio de l'Armée de Terre permettait tout à fait cette liaison. 

Par contre, je doute que ceci ait été sérieusement expérimenté et que l'entraînement en ait été poussé et généralisé. 

J'ai bien utilisé la radiophonie sur les avions de mon aéro-club, entre 1988 et 1992, mais c'était des postes VHF à 720 canaux qu'un enfant de six ans aurait su faire marcher. 

J'ai idée que les postes émetteurs-récepteurs employés par nos Armées de l'Air et de Terre en 1940 étaient d'un emploi autrement compliqué. 

Les Américains, inventeurs de l'ergonomie généralisée, nous ont, heureusement, obligé à modifier cet aspect paralysant des choses.



Le Potez 63-11, de lourdes pertes mais un bilan plus qu'honorable


Le Mureaux ne fut pas l'ultime avion d'observation de nos armées. 

Il a été remplacé par le Potez 63-11 à partir de Janvier 1940. 

L'avantage de cet avion était un gain de 100 km/h en vitesse, la présence d'un moteur supplémentaire (ce qui améliorait les chances de retour au bercail) et une très grande solidité.

Les performances de cet avion ont été publiées par Jean Noel dans Aviation-Magazine, # 531, le 1er Février 1970. 

                                  Mission I (4 433 kg)                         Mission V (4 530 kg)
                                     (reco de jour)                             (bombardement de nuit)
  • 0 m                   337 km/h           -                                     
  • 500 m               346 km/h           1'
  • 1 000 m            355 km/h           2'
  • 1 500 m            364 km/h           3'
  • 2 000 m            372 km/h           4'
  • 2 500 m            381 km/h           5'                               371 km/h
  • 3 000 m            390 km/h           6'                               379 km/h
  • 3 500 m            399 km/h           7'                               386 km/h
  • 4 000 m            407 km/h           8'                               392 km/h
  • 4 500 m            416 km/h           9'                               398 km/h
  • 5 000 m            425 km/h        10' 01"                        402 km/h
  • 5 500 m            425 km/h        11' 09"                         399 km/h
  • 6 000 m            421 km/h         12' 26"                         395 km/h
  • 6 500 m            416 km/h         13' 55"                         391 km/h
  • 7 000 m            411 km/h         15' 41"                         386 km/h
  • 7 500 m            404 km/h        17' 53"                         380 km/h
  • 8 000 m                                    20' 48"                       
  • 8 500 m                                    25' 05"                    

Il faut noter que le prototype du Potez 63-11, le 01, bénéficiait d'un espace d'observation vitré par des surfaces arrondies qui permettaient de limiter la diminution de vitesse tout en donnant un bonne idée des positions des forces ennemies.

On préféra, en haut lieu, éliminer ce nez considérablement plus fin et perdre une vingtaine de kilomètres/heure pour que les officiers observateurs ne souffrent pas de la moindre imperfection optique, donc en construisant un nez à facettes plates !

Malgré ces errements, cet Potez était au moins aussi manœuvrant que le Messerschmitt 109, comme le raconte Adolphe Galland dans ses mémoires (et bien plus que le Bf 110). 

J'ai dit (dans cet autre articleà quel point cet avion avait subi de pertes mais, aussi, que le nombre des pertes eut pu être significativement réduit avec un peu de bon sens (et, aussi, beaucoup de travail). 

Déjà, si l'état-major avait gardé à l'esprit l'idée que plus courte aurait été la mission, plus les chances de voir rentrer l'avion à la maison, ses renseignements et son équipage, auraient été plus grandes .


Le Potez 631 de Chasse volait à basse altitude entre 365 et 375 km/h, soit près de 30 km/h plus vite que le P 63-11. 

Si le Potez 637 volait environ 7 km/h moins vite que le chasseur Potez 631, il volait cependant de 20 à 30 km/h plus vite que le P 63-11...

Mais il est évident que nos super-généraux, pour la plupart relativement âgés, devaient préférer des avions lents.

Cela nous coûta cher, car être lent à basse altitude permettait aux artilleurs de la Flak de peaufiner leur visée et laissait aux chasseurs Teutons le temps de décoller pour finir le travail.


Je le répéterai toujours : Les seuls avions à pouvoir voler impunément, lorsque l'ennemi dispose vraiment de la maîtrise du ciel, sont les chasseurs. 

Je ne connais aucune exception sérieuse à cette règle. Mais on doit adapter sa pratique à la réalisation de ses buts.

La position du Colonel Faris R. Kirkland est juste mais anachronique au sens propre du terme parce qu'au début de la Guerre Européenne, jusqu'à la fin de l'hiver 1939-1940, aucune force aérienne (pas même l'USAF) ne disposait des avions qu'il décrit, et, surtout, que les avions d'observation qu'il nous aurait volontiers attribués ne travaillaient facilement que s'ils étaient protégés par une formidable ombrelle de Chasse



Les chasseurs de reconnaissance

Certes, la RAF a utilisé, dès Mai 1940, les tous premiers Spitfire transformés pour la reconnaissance ("Cottonisés" du nom - Cotton - du créateur de ce concept), non armés, capables de voler à 630 km/h au prix d'un rayon d'action un peu faible. Ils firent de l'excellent travail d'un bout à l'autre de la guerre.


Au même moment, le ministère de l'Air Français avait commandé 3 Dewoitine 520 pour tester le même concept. 

Mais ils n'étaient pas prioritaires et semblent surtout avoir été livrés au GC I/3 dont les pilotes -  de Chasse - étaient certes bien habitués à l'avion, mais pas à la Recco. 


Ces avions auraient dû, impérativement, être livrés à des groupes d'observation ou de reconnaissance. 


Du coup, nous ne saurons jamais ce qu'ils auraient pu apporter.

Rectification : En 1944 et 1945,  deux D 520 récupérés ont été transformés en avions de reconnaissance et ont été utilisé avec un réel succès (Les Ailes #3, 2022). J'imagine qu'ils avaient une configuration proche de celle de leurs ancêtres de 1940. 


Aux USA, le Lockheed P38 Lightning de 1943-44 joua très correctement le rôle d'avion de reconnaissance à haute altitude, mais il n'était pas capable de résister à un FW 190 à moyenne altitude ni à un Bf 109 G 10 à haute altitude. 

La mort de Saint-Exupéry en fut la preuve irréfutable.

Seul, alors, le P 51 B sortait vraiment du lot dans ce rôle : Il surclassait les chasseurs ennemis de 50 km/h (710 km/h).



Les avions aptes à se poser dans un mouchoir de poche


Quant à l'idée de l'avion qui se pose n'importe où, d'après Kirkland - qui se référait au Piper  Cub de 1944 - elle est juste, certes, mais de 3 ans postérieure à la Campagne de France et, surtout, à une période où la maîtrise de l'air Alliée était indiscutable

Les premiers à la mettre en œuvre furent les Allemands avec le Fieseler Storch, qui pouvait se poser à 45 km/h seulement ! 

Mais nous aussi, nous disposions de l'engin d'observation rêvé, le Hanriot 182.
{sources : Les Ailes du 4 Octobre 1934 ; le site aviafrance}

C'était un sesquiplan de 7.20 m de long, dont la masse à vide variait selon l'équipement de 575 kg à 660 kg. Sa masse au décollage variait de 860 kg à 925 kg au décollage.

La voilure, de 12 m d'envergure, avait une surface de 19 ou de 20 m² suivant la source : Sa charge alaire allait de 43 à 48 kg/m², assurant des virages ultra-serrés.

Il pouvait accepter des moteurs de 120 à 180 Cv, qui lui conféraient des vitesses maximale comprises entre 190 à 240 km/h.

Ses ailerons de grandes taille étaient conçus pour se transformer en volet de courbure pour permettre d'atterrir à moins de 60 km/h.

Il en fut construit 355 exemplaires. Ils servirent à l'entraînement, aux liaisons, à tout sauf à l'observation - pour laquelle il était conçu depuis le départ :
  • Totalement apte à la voltige serrée
  • Capable de piquer verticalement à 350 km/h pour se mettre à l'abri du sol
  • Il aurait été capable de se poser dans un petit espace comme le Piper Cub (peut-être un peu plus grand), tout en étant bien plus rapide (le Piper volait à 120 km/h au maximum).



Hanriot 182 - construit à 346 exemplaires 


Cependant, les procédures d'emploi de ces avions face à une DCA vraiment très compétente, comme l'était la Flak, restaient forcément très délicates et auraient demandé une préparation sérieuse des pilotes et des observateurs.


Conclusion

Oui, le Potez 63-11 a beaucoup souffert pendant la Campagne de France, et je l'ai dit dans cet autre article


Pourtant, les Allemands, après avoir utilisé avec beaucoup de succès (mais aussi beaucoup de pertes) le Henschel 126,  lui préférèrent un bimoteur Fock-Wulf, produit dès la fin de 1940.

Ce FW 189 joua un rôle fondamental du côté Allemand en Russie (le lien qui précède renvoie à la dernière section de l'article sur les T3) et démontra que les Allemands avaient trouvé (sans s'en vanter, bien sûr) notre concept plus qu'intéressant. 

Le FW 189 ne volait qu'à 360 / 380 km/h (les sources sont divergentes), il était bimoteur et avait une charge alaire de l'ordre de 100 kg/m². 


Il n'empêcha évidemment pas la défaite Allemande, liée à bien d'autres facteurs, mais il permit (hélas) de vrais succès aux armées d'Hitler. 

La qualité des décisions stratégiques et tactiques du Führer et de ses généraux ne dépendait en tous cas pas de lui.


Ce qui avait pu influencer les Allemands dans le choix de ce bimoteur très agile, c'était une série de reconnaissances réussies par les Potez 63-11 du GAO 501 en date du 21 Mai, pendant une domination sans partage de notre ciel par la Jagdwaffe

Les renseignements obtenus permirent de déclencher l'attaque des Bréguet 693 contre le corps blindé Allemand vers Amiens, ce dont Guderian se plaignait amèrement dans ses mémoires de guerre ("Où donc était la Luftwaffe ?"), près de dix ans après la fin du Reich.


Mais, après l'extrême gravité de la défaite que notre pays avait subi, les politiciens de tous bords se liguèrent pour attaquer le matériel Français, et donc les ingénieurs qui l'avaient conçus.

C'était tellement plus facile que d'attaquer les méthodes employées car cela aurait directement mis en cause les hautes autorités de la Défense Nationale, ce qui aurait mis en cause les médiocres dirigeants qui les avaient nommés à leurs postes.


Souligner les quelques brillants succès obtenus présentait en plus le risque de montrer que tout eut été possible, si la préoccupation principale du moment avait été simplement la France.



















10 commentaires:

  1. Votre article est intéressant, mais il laisse des idées fausses car il est incomplet.

    Tout d'abord, il manque un retour sur les dilemmes de l'armée de l'Air à cette époque. Les stratèges de cette dernière, se souventant sans doute de la Division Aérienne de 1918, voulaient une armée de l'Air orientée dans la même direction. Dès lors l'aviation de coopération (avec les forces terrestres) étaient vouée à être réduite à la portion congrue, ce qui déplaisait aux responsables de l'armée de Terre (qui allèrent jusqu'à imaginer la mettre en place sur leurs fonds propres, enfin ceux de la Guerre). Le programme du BCR est donc vu par certains comme une façon de doter l'aviation de coopération d'un avion apte à être également utilisé pour les besoins d'une armée de l'Air totalement indépendante, en lui fournissant une force de bombardiers d'appoint. Finalement ce programme étant un échec technique, on enchaîna, en 1936, sur un programme de triplace de travail (T3), devant remplacer les biplaces des escadrilles d'observation affectés à la coopération avec les corps d'armée (CA) et division de cavalerie (DC). Ce programme fut un gaspillage de temps et d'argent car il n'aboutit pas ; mais il montre les orientations de l'EM : un triplace afin de permettre à l'observateur de ne se consacrer qu'à sa mission et assurer la défense de l'appareil durant toute cette mission grâce à un mitrailleur dédié à cela. Ces mêmes idées furent reprises pour l'avion de reconnaissance dans le programme A3, de 1936 également. Les deux suivirent d'aileurs les mêmes errements : observateurs dans une gondole, puis dans un nez vitré ; mais seul le A3 déboucha. Notons que les T3 devait être capable d'évoluer à 120, puis 150 km/h afin de permettre à l'observateur d'avoir le temps de bien observer. Il était également prévu de le pourvoir d'un blindage et de lance-bombes (doit on y voir une volonté de faire un "mini-bombardier" pour le cas où ?).
    En tout cas, cette idée d'avoir trois hommes à bord, rend illusoire toute prise au sérieux de l'amélioration de l'ANF 115, puisque biplace. Par ailleurs, je me demande même si un habitacle fermé sur ce type d'avion (cf ANF 118) n'aurait pas été vu comme un mauvais point pour la visibilité de l'observateur.

    Toutefois l'artillerie désirait disposer de ses propres moyens car elle se plaiganit du faible nombre de missions qui lui était dédié. Cela déboucha sur la création d'une aviation d'observation d'artillerie, dont les discussion semblent avoir réellement commencé en 1939. Plusieurs appareils furent testés en juin à la Perthe. Il semble que c'est le Hanriot 180M et non le 182 qui eut la préférence des artilleurs ; l'autogire, jusque là champion magnifié commençait à tomber en disgrâce. À l'aune de ces résultats et connaissant l'hyper-spécialisation qui frappaient les armées françaises d'alors, je pense que votre argumentation sur le H. 182 est inutile : il serait rester un appareil d'entraînement et nous aurions commandé le H. 180M ou une autre version dérivée. Mais le point principal est que l'idée était là, malheureusement elle vint trop tard.

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    1. Vous avez raison : Je n'ai pas de perception solide sur les débats internes à l'Armée de l'Air ni à l'Armée de Terre.

      Je me suis toujours passionné pour le matériel aérien et son emploi, parce que les journalistes et les politiques (pas seulement Français) expliquaient notre défaite de Juin 1940 par la faiblesse du matériel.

      Mes camarades de classe, en 1958 ou 1959, croyaient même que notre Armée de l'Air n'était équipée que de biplans !

      Vous soulignez le problème des terrestres qui, bien que ne sachant pas utiliser le gros de l'Armée de l'Air, comprenaient bien le problème de l'observation d'artillerie.

      Personne n'avait compris que cette aviation-là devait être traitée isolément, comme nous le faisons avec l'ALAT depuis la Guerre d'Indochine.

      {Reste que, lorsque je lis des débats récents entre militaires en activité sur l'excellent site OPEX 360, je ne suis pas entièrement convaincu que les terrestres aient tous une claire conscience des conditions indispensables pour que l'ALAT puisse agir.}

      Le BCR, qui se voulait le croiseur aérien du général Douhet, a laissé deux enfants : Le Potez 63 chez nous et le Boeing B 17 aux USA.

      Ces deux avions avaient énormément de qualités. Mais, quelque tâche de renseignement ou de bombardement qu'on ait eu à leur confier, ils devaient être couverts par d'authentiques chasseurs.

      Les pertes en B 17 furent apocalyptiques jusqu'à ce que les P 51 soient envoyés enfin à la rescousse (merci, Doolittle !).

      Le programme des triplaces (de commandement à la Chasse) a donné un véritable chasseur qui fut commandé une année trop tard (Hanriot NC 600), un potentiel avion de reconnaissance (Bréguet 690) et un bombardier léger qui fit ses preuves en Grèce puis en URSS dans les mains de pilotes Roumains, jusqu'à Stalingrad, dit-on.

      Un autre avion faisait partie du lot, le Romano 110.

      L'observateur était assis tout à l'avant et disposait d'une vue exceptionnelle. Le pilote, placé derrière lui en position surélevée, voyait tout aussi bien et le mitrailleur était en position arrière.

      Cet engin ne pesait que 3 300 kg au décollage et, tel quel, il eut été tout à fait adapté au travail d'observation, y compris d'artillerie.

      Cet avion très fin vola quelques mois trop tard et son voyage de Canne à Paris se fit train sorti à cause d'une panne du dispositif de rétraction.

      Cet incident, plus que mineur, fut monté en épingle par Louis Bonte dans son livre sur le CEMA (Docavia 3), justifiant implicitement le rejet d'un appareil parfaitement adapté au système T3 mais qui ne fut même pas essayé.

      Le Dewoitine 720 pesait 500 kg de plus et le Hanriot 530 avait un surpoids de 1300 kg.

      L'échec de ce programme me semble dû à la volonté de faire un Potez 25 moderne - capable de bombarder les populations dissidentes - en oubliant la raison du succès de ce grand serviteur de nos armées : La simplicité.

      Vous avez sûrement raison, nos vieux guerriers auraient refusé les panneaux vitrés (les marins en firent autant sur le Laté 298 !).

      Maintenant, se balader à 150 km/h signait un désir de suicide collectif : Il fallait inventer un mode de vol au ras de la canopée des arbres - pratiqué actuellement - mais je ne suis pas sûr que les 20 mm Allemands l'aurait toléré longtemps.

      La prise de conscience en 1939 de la nécessité d'une aviation d'artillerie me laisse rêveur !

      Il était bon d'expérimenter, certes, mais cela aurait pu être fait 4 ans plus tôt, ne serait-ce que parce que l'on aurait pu comparer des avions très lents (Potez 43 ou 58) avec les Mureaux pour voir ce qui pouvait se passer.

      Dans mes lectures sur les manœuvres aériennes de 1935 et 1936, il me semble qu'on en ait employé, sans que j'ai pu savoir à quoi...

      Vous me reprochez de ne pas avoir traité des expériences de la Perthe : C'est que j'en ignore tout, à ma grande honte ;-).

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    2. Je reconnais que j'ai tendance à être vache dans mes commentaires. Pour ce qui est de "l'aviation d'artillerie", je travaille actuellement dessus. J'attends une réponse concernant un document, je pourrai toujours vous proposer un article dessus.

      Concernant les potez 58, ils devaient servir sans doute aux liaisons ; ce fut en tout cas leur rôles durant le conflit, notemment du Potez 585.
      Les manoeuvres entre l'artillerie et l'aviation ont commencé tôt : en 1925 est mis en place la Commission mixte Artillerie-Aviation, avec un premier aboutissment concret (une note) en février 1931. Je pense que la volonté de créer une aviaition d'artillerie date de 1936 ou 37 quand ces gens se sont rendus compte que l'armée de l'Air ne tenait pas compte de pas leurs volontés. Ensuite ça prit du temps... trop de temps.

      Par contre, je ne suis pas d'accord. Le Potez 63, un appareils conjugués à tous les temps de tous les modes, est né d'un programme de 1934 pour un multiplace léger de défense (un chasseur multiplace et multirôle dans la chasse). C'est le Potez 540/542 qui fut créé pour répondre à ce programme de BCR.

      Pour moi, BCR comme T3 avaient la même finalité : optenir un avion de coopération qui puisse être utilisé dans des opérations comme celle de la Division Aérienne de 1918, donc répondre deux visions très différentes de l'utilisation de l'aviation. Un pari déjà assez osé en soi. Je ne sais pas si les opérations coloniales étaient réellement visées, étant donné qu'on aurait eu des biplans à y envoyer pour faire le "sale boulot".

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  2. Quant à la radio, il me semble que ce moyen a été considéré par les terriens comme un complément ou une alternative au téléphone. Les unités à terre, du bataillon/groupe (sauf les bataillons de chars, semble-t-il) aux grandes unités (GU) étaient équipés en postes R 11 et/ou R 15 (cavalerie uniquement) capables de recevoir les émissions des appareils équipés des postes E 31 et E 34bis ; la compagnie de sapeurs-radiotélégraphistes de DI, DLM ou CA apportait des R 11 et R15 pour la GU. La réponse de l'unité terrestre se faisait au moyen de panneaux déployés au sol. Par ailleurs, le PC des FACA était en liaison avec les PC du CA et des 2 DI par un réseau de postes ER 13 (réseau de commandement du CA) ; ces postes étaient mis en oeuvre par la Cie de sapeurs radiotélégraphistes du CA. Mais il est vrai que pour transmettre un "croquis à main levé", le message lesté était ce qu'il y avait de plus rapide (sinon restait l'avion estafette). Des entraînements radio ont eu lieu mais je ne gagerais pas qu'ils ont été suffisants.

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  3. Le nieuport 590 est un trimoteur colonial , vous avez probablement voulu dire nieuport 580 cordialement .

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    1. Bonjour, je vois avec plaisir que vous parlez de votre grand père à la 22, notamment avec une délégation japonaise visitant une escadrille, la 22. Mon grand père, Pierre Hadengue était pilote de MF ,à la 22, escadrille qu il commandait par intérim lorsque le Caine Drouot était absent, pendant plusieurs mois. Étant un des seuls officiers parlant Anglais, il avait été chargé de piloter les japonais. Dans cette délégation se trouvait le cousin germain de l empereur du Japon, qui avait invité mon grand père dans son pays. J ai oublié récemment les mémoires largement illustrées de Pierre Hadengue. Des gros frères à la libellule.. journal de marché de Pierre Hadengue. Nos deux grands pères ont été ensemble à la 22, et il est possible que j aie des photos de lui, comme vous pouvez en avoir du lien. J aimerai vraiment vous rencontrer pour échanger et partager nos documents... Olivier Demoinet. esculape78@hotmail.fr
      Merci de votre réponse que j attends avec impatience

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    2. Je vois avec plaisir que vous parler de votre grand père à la MF22, lors de la visite d une délégation japonaise.. mon grand père était pilote à la 22 escadrille qu il commandait par intérim lorsque le Caine Drouot était absent pendant plusieurs mois. Étant un des seuls officiers parlant Anglais il lui fut demande de piloter la délégation japonaise. Dans cette délégation japonaise il y avait le cousin germain de l'empereur du Japon, si avait invité mon grand père à venir le voir au Japon. Sur cette photo, c est le Caine Drouot qui est dans la carlingue du Farman, et qui explique le coup aux Japonais. J ai oublié récemment les mémoires de mon grand père, que j ai très bien connu. Des gros frères 2 la libellule, journal de marché de Pierre Hadengue. Je souhaiterais vivement vous rencontrer, car nous avons probablement des photos de nos ancêtres réciproques. Merci de votre réponse que j attends avec impatience Olivier Demoinet esculape78@hotmail.fr.

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    3. Bonjour Mr Demoinet,

      Je suis heureux de connaître votre existence. Evidemment, je suis disposé à ce que nous puissions nous rencontrer.

      La première chose a réaliser est que vous m'envoyez une copie de votre adresse mail dans un commentaire que je ne publierai pas (évidemment), car, dans vos 3 messages, il y a 3 adresses légèrement différentes.

      Cordialement !

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