mardi 28 février 2012

Les avions périmés ou l'art d'accommoder les restes (révisé 05 / 02 / 2024)



De nos jour, on peut encore tuer un être humain avec une simple pierre


En 1937, les avions de chasse Français avaient reçu, pendant le concours de Zürich, une puissante claque médiatique. 

Les politiciens Français et l'état-major de l'Armée de l'Air avaient découvert alors que les matériels
 aéronautiques qu'ils avaient commandés en série (D.510, bimoteurs Bloch 131 voire Morane 406) étaient séparés, au niveau des performances, par un large fossé par rapport aux matériels sortants au même instant des usines Messerschmitt ou Dornier.

Les écrits des témoins de l'époque sont remplis de lamentations à propos de ce matériel périmé, et, trois ans plus tard, ils lui attribuèrent tout naturellement la responsabilité de la défaite de Juin 1940.

Cela n'était pas du tout une attitude saine, d'autant plus que les matériels Allemands mis en démonstration étaient des prototypes aux moteurs gonflés à un point tel que le Messerschmitt Bf 109 piloté par Udet fut détruit par la panne inattendue de son moteur DB 601 de 1 500 Cv (450 Cv de plus que ceux qui furent montés sur les Bf 109 E au Printemps 1940). 

Par contre, quelle extraordinaire victoire morale obtenue par Hitler !


Il faut donc revenir aux fondamentaux : Toute arme est dangereuse pour quiconque, quel que soit l'âge de la dite arme.

On tue encore, de nos jours comme il y a 1 000 000 d'années, des gens à coup de pierre ou de bâtons, d'autres sont tués au couteau ou à la hache comme il y a 3 000 ans, etc...

Les faits divers de nos journaux en sont pleins.


De nos jours, certains commandos Anglo-Saxons utilisent encore l'arbalète, arme certes millénaire, mais précise à plus de 100 m et, surtout, très silencieuse, incomparablement plus qu'un fusil équipé de silencieux.

Cela n'a rien à voir avec l'Aviation, pensez-vous ?

Peut être, mais cela a tout à voir avec la guerre, qui passe, qu'on le veuille ou non, par l'élimination physique temporaire ou définitive des gens d'en face avec les moyens dont on dispose, quels qu'en soit l'âge ou la technologie. 


[En écrivant cela, j'espère vous convaincre que la notion de guerre asymétrique n'est pas vraiment féconde : Il y a juste des gens qui savent utiliser les armes qui sont à leur disposition et il y a les autres. 
Enfin, il y a le prix que chaque belligérant accepte de payer sa liberté.]


Les "chiffres" ne racontent pas tous la même histoire, alors, autant savoir les lire

J'affirme, en conséquence que même un Dewoitine 500 avec ses 365 km/h seulement de vitesse de pointe en altitude, donc 30 km/h moins rapide que le Dewoitine 510 - 395 km/h pour la version de série - n'était pas désarmé face à un Messerschmitt Bf 109 B, C ou D, le seul disponible au moment de Munich.



D 501 -  version portant le canon de 20mm HS 9. L'hélice en bois à pas fixe sans casserole carénée mangeait 20 km/h.



Certes, sa vitesse de pointe était très inférieure à celle du chasseur Allemand (460 km/h)

Mais il gagnait de l'ordre de 4 minutes (= 240") sur ce dernier pour monter à 6 000 m (8' 45") et son plafond était de 10 400 m (soit 2 000 m de mieux) !

Cela signifie que ce type d'avion disposait pleinement de la possibilité d'arriver par surprise dans le soleil de n'importe quel groupe d'avions Allemands, limitant considérablement la nuisance de ces derniers.

Bien sûr, vous vous dites que je n'ai rien de concret pour prouver ce que je dis.

Bien sûr que si : Le 10 Mai 1940, le GC II/9, stationné près de Lyon, était en voie de transformation. 

Il échangeait ses Dewoitine 501 - des D 500 avec un canon monté sur le moteur, 360 km/h - contre des Bloch 152.

Lorsque les Heinkel arrivèrent pour bombarder le terrain à l'aube, seuls quelques avions eurent le temps de décoller.

L'un d'entre eux était un D 501 piloté par le capitaine Billon.

Celui-ci arriva au contact des bombardiers et, ses mitrailleuses étant enrayées, vida son chargeur d'obus sur 2 Heinkel 111.

L'histoire, telle que je la connais, ne donne pas le résultat de ces tirs.

Peu importe, puisque mon propos consiste juste à démontrer que ce chasseur ancien, tout périmé qu'il était, était suffisamment rapide pour arriver au contact des bombardiers Allemands et à leur tirer dessus. 

Justement ces bombardiers étaient les plus nombreux dans la Luftwaffe.

La Chasse Française de 1935-37 pouvait donc encore agir dangereusement en 1940. 

En toute rigueur, il n'y avait donc aucune raison pour qu'elle ait été moins efficace que deux années plus tôt, en 1938. Bien au contraire.


Combattre l'ennemi dès qu'on le peut, là où il ne s'y attend pas

Mais je ne me suis attaché pour l'instant qu'à la manière traditionnelle du combat de la Chasse.

Il existe une anecdote que je trouve à la fois remarquable et désolante.

En 1939, une patrouille de 3 Morane qui passe à proximité d'une base aérienne Allemande fait un passage en strafing - sans aucun dommage pour nos avions.

Pour moi, c'est le genre d'initiative remarquable qui aurait mérité, pour le moins, une citation (elle fut, semble-t-il, accordée après la Bataille de France).

Mais, lors de leur retour en France, les trois pilotes furent sévèrement réprimandés.

Evidemment, à ma connaissance tout au moins, le nom du haut gradé "réprimandeur" n'a 
pas été livré à la vindicte populaire par la suite.

Dommage. Il aurait dû être relevé de ses fonctions.


Mais les Allemands, eux, ont pratiqué ce genre d'attaques systématiquement en Pologne, en France et en Grande-Bretagne, tuant des centaines d'hommes et mettant hors d'usage des centaines d'avions.

Pourtant, cet exemple Allemand n'est pas le plus éclatant.


Le plus passionnant est l'exemple Britannique pendant la Campagne de Syrie, en 1941.

Au début de ce conflit, l'aviation Vichyste disposait d'une absolue maîtrise de l'air et s'en servait plutôt bien au début (voir l'Aviation de Vichy au combat, C Shores et C. Ehrengart).

Les Britanniques, peu et mal équipés, que ce soit pour la Fleet Air Arm ou pour la RAF, ont su se servir avec maestria de ce qu'ils avaient.

Ainsi, leurs vieux Gladiator (400 km/h) furent employés pour des tâches qui exigeaient une grande préparation et firent du strafing sur les bases Françaises.

La grande majorité de nos D 520 et de nos avions de bombardements y disparurent sans gloire.

L'intelligence du commandement Britannique a consisté à savoir employer au mieux les armes disponibles, et non à revendiquer sans cesse cette fameuse, ruineuse et fallacieuse amélioration des moyens.

Dans un autre domaine, le bombardier-torpilleur Fairey Swordfish était totalement périmé en 1939.

Mais il restait bien plus rapide (210 km/h et non 280 km/h comme cela fut dit à l'époque) que n'importe quel navire et il était plutôt maniable.

Ses équipages ont obtenu de remarquables résultats contre les cuirassés Italiens mouillés en rade de Tarente - parce que l'attaque fut menée de nuit -.

Il fut ensuite à la base de la destruction du cuirassé Bismarck parce que ce dernier ne disposait pas d'une escorte de chasse et que sa DCA était étonnamment médiocre.

Son seul véritable échec fut patent lorsqu'il fut employé de jour contre l'escadre Allemande qui passait de Brest à Hambourg (opération Donnerkeil), où il fut employé de jour contre une forte présence de chasse ennemie.


Cette leçon de système D, les Britanniques l'ont démontrée encore lors de la guerre des Malouines, alors que les généraux Argentins faisaient exactement tout le contraire, n'ayant même pas pensé à installer des avions de chasse et d'appui au sol sur place !


Ce qu'ont fait les Britanniques, il ne tenait qu'à nous de le faire. 

Cela se pouvait en 1938, 1939 et 1940, Hitler et ses généraux eussent été pris au dépourvu et nos armes s'en seraient bien mieux sorties.


De toute manière, l'histoire des guerres montre que tel matériel qui assure l'avantage à un camp au départ ne le lui conserve pas ensuite.

L'avantage vient alors, me semble-t-il, plus de la surprise par rapport à ceux qui ne sont pas conscient de ses qualités et de ses défauts que de ses qualités réelles.

Ainsi en fut-il du Mitsubishi Reisen - Zéro - A6M21 de la Marine Impériale Japonaise, excellent avion embarqué au demeurant, aussi manœuvrant qu'un bon biplan, remarquable grimpeur mais piqueur moyen et doté d'une vitesse de pointe juste correcte pour 1941.

Il en fut de même pour les D.520 en Syrie (1941) qui bénéficiaient d'un gros avantage en altitude contre les P 40 et dont, à ma connaissance, ils ne surent pas se servir. 

Pourtant, ayant commandés ces mêmes P 40 pour notre usage personnel, donc nous aurions dû en connaître les performances...

Pour faire la guerre, encore faut-il se donner les moyens intellectuels de la gagner.












English summary:  Since the second half of the 1937 year, after the mediatic blow suffered by the French fighters during the famous meeting at Zurich, the French politicians and the staff of the Armée de l'Air discovered that the last fighters and bombers servicing in the French air forces will suffer 
of a huge gap of performances against their nazi counterparts.


The French witness wrote a lot of moaning. 
After the allied defeat of June 1940, they converged to say that such obsolete planes were the main cause of the defeat.

That cannot be the fair attitude.



A simple stick, a simple stone have been used from the origin of Mankind since likely one million years, or more. 


Obviously, that may be seen as obsolete weapons. 


Nevertheless, it is allways possible to see today persons who have been killed by people using that way, even in the most developped and gun-friend countries, like the USA. 



The Dewoitine 500 fighter,  obsolete in 193, with her top speed of only 365 kph, was nevertheless able to escape the 95 kph faster Messerschmitt 109 B: its climbing power was very superior. 

The D500 was able to reach 6000 m (20000 feets) with an edge of 4 minutes and had a service ceiling 2000 m higher than the German fighter. 

So, a pilot fighting with such a plane could attack German fighter by surprise from above with success.



It was demonstrated on May 10, 1940, near Lyon.


The GC II/9 was on his way to change his obsolete Dewoitine 501 for modern Bloch 152. 


At dawn, a squadron of Heinkel 111 irrupted for bombing above the airfield. 


Only few French fighters were able to take off. 


Among them, was the D 501 of captain Billon who succeed to catch the bombers and to damage 2 of them.


It could be even more easy in 1938 !



The British use of obsolete weapons such the Gloster Gladiator fighter or the torpedo-bomber Swordfish were magnificent examples. 


The History of human wars demonstrates allways that the edge of superiority of a peculiar weapon does not be for a long period.


The only necessary superiority must be in continual and relevant brain storming.

2 commentaires:

  1. Je parcours votre site avec le plus grand intérêt, puisque je suis en train d'en lire chaque article!
    La tentation française du nouveau matériel qui sauvera tout a fait la preuve de son inefficacité face au pragmatisme de l'amélioration marginale de ce que l'on connaît déjà.
    L'amiral Vandier, à l'époque en charge du projet Rafale Marine, avait refusé un nouveau délai d'un an demandé par Dassault, qui aurait permis d'avoir une version prétendument "bien meilleure". Il rétorqua qu'il avait besoin de former ses pilotes immédiatement, et qu'il serait toujours temps d'apporter des améliorations au fil de l'eau.
    Résultat, la Marine mit ses Rafale en service un an avant l'Armée de l'Air, et le retour d'expérience permit de faire de nombreuses améliorations marginales, sans nuire au développement à moyen-terme de l'avion.
    Ces officiers sont malheureusement une denrée rare!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le matériel choisi en haut lieu ne faisait jamais les performances exigées. Morane était incapable d'obtenir ces performances. Toute la question est : Pourquoi avoir refusé de choisir ce qui marchait bien ?

      Supprimer