dimanche 24 juin 2012

Un poilu artiste-peintre en Italie (5) : Victoire et retours d'expériences (révisé 28 / 07 / 2020).


La situation militaire au mois de Juillet 1918


J'ai laissé mon grand-père André Delpey au soir du 16 Juin 1918.

L'offensive Autrichienne dont André avait, le premier, décelé les signes avant-coureurs depuis le début du mois de Mai, a été violemment contrée par les Alliés.

Il faut dire que sur ce front, la situation avait changé radicalement depuis la défaite Alliée de Caporetto (donc en à peine plus de 6 mois).

D'une part, les moyens lourds apportés en Italie par les Alliés, l'amélioration apportée au commandement Italien et, ce qui est décisif, la soif de revanche des Italiens, avaient radicalement changé la donne.

D'un autre côté, les troupes Allemandes étaient reparties sur le front Français avec leur général victorieux qui avait été placé au point crucial de l'offensive Michael de Mars 1918. Il est probable qu'elles avaient emporté avec elles une bonne partie de leur matériel.

L'empereur d'Autriche Charles, considérablement plus intelligent et lucide que son collègue Guillaume II, voulait arrêter la guerre pour établir une véritable Paix en Europe. 

Mais son état-major, manipulé par Hindenburg et Luddendorf, voulait continuer dans la vision Bismarckienne d'une Europe pan-Germanique. 

Bien sûr, ces vielles badernes n'avaient pas compris que leur pays était déjà totalement ruiné.

Sur le front Italien, l'initiative avait donc changé de camp, elle était maintenant passée aux Alliés.


Un Roi salue un simple caporal !


Les succès de Juin donnèrent le temps de faire une fête mémorable pour le 4 Juillet 1918 en présence du Roi Victor-Emmanuel III en personne.

{parenthèse : C'est ce même Roi qui vécu la montée en puissance de Mussolini, le pouvoir fasciste, la 2ème Guerre Mondiale et aidera à l'éviction du Duce.}

André avait fait un effort vestimentaire pour que sa présentation soit parfaite.

Il avait l'espoir que, accessoirement, cela lui permettrait peut-être de franchir les barrages de carabiniers et d'officiers qui bloquaient tout et, ainsi, de pouvoir rejoindre sa baraque.

Cette préméditation, parfaitement calculée, a bien fonctionné : Avec les jumelles de son supérieur immédiat, il a pu tout observer. 

Les troupes Britanniques défilaient en tenue légères de toile et casque colonial, les Français en capote bleu horizon et casque d'acier Adrian et les Italiens en gris-vert et casque d'acier.

Mais mon grand-père fut particulièrement fier de voir les troupes Françaises, qui s'étaient couvertes de gloire le 15 Juin, venues à pied du front, lever bien haut leur drapeau troué, culotté, avec un pas plus rapide, une attitude plus énergique.

Les musiques jouaient leurs hymnes simultanément, ce qui était horrible à entendre.

Le Roi, qui était plutôt petit et paraissait plutôt âgé, passait sa revue à pied. Voilà qui désolait André, trop romantique, qui pensait qu'un Roi gagnerait en décorum s'il pratiquait cet exercice à cheval.




Document personnel de l'auteur - Revue du  4 Juillet 1918
Au centre de l'image, le Roi d'Italie, à pied, passe la revue des troupes


Mais le monarque a décoré beaucoup de soldats des trois nationalités présentes, ce qu'il terminait chaque fois d'une poignée de main énergique. 

Mon grand-père s'est alors inquiété des crampes dont le monarque aurait à souffrir par la suite.

Comme le Roi passait non loin d'André, ce dernier, courtois par nature et bien discipliné, évidemment, l'a salué. 

A sa grande surprise, le Roi lui rendit son salut, ce que les officiers Français appartenant à d'autres unités que la sienne ne faisaient jamais.






Document personnel de l'auteur - Revue du 4 Juillet 1918
Cette photo permet de voir l'importance du nombre de cavaliers (en arrière plan)



Des avions passaient au ras des têtes et faisaient des acrobaties.



Document personnel de l'auteur - Des soldats Français probablement avant d'être décorés
le drapeau Français au centre a effectivement gardé les stigmates du récent combat et les deux chiens mènent leur vie...


Document personnel de l'auteur - agrandissement partiel de la photo précédente montrant un chasseur volant à une dizaine de mètre de haut  ! (il peut s'agir d'un Hanriot HD 1 Italien) 


Le lendemain, mon grand-père fut envoyé visiter Padoue qu'il adorait. 

Son moral est monté en flèche, même si les tableaux et les statues les plus précieuses avaient été envoyés à Rome pour éviter leur destruction (ou leur pillage) par fait de guerre.



La situation des troupes Autrichienne s'aggrave


Je n'ai pas de document pour les trois mois qui suivent (André a dû bénéficier d'une permission), mais on sait que les Italiens ont multiplié les efforts pour rendre leur front particulièrement solide. 

En face, les Autrichiens, même les plus pan-Germanistes d'entre eux, avaient compris que toute nouvelle bataille sera terriblement risquée : Ils restaient sur la défensive.

La force technologique des Italiens apparût pleinement lorsque les 9 chasseurs de l'escadrille Serenissima de Gabriele D'annunzio, parti des environs de Padoue sur de rapides chasseurs Ansaldo, a survolé Vienne et a réussi à y lancer 50 000 tracts où il était expliqué qu'ils auraient tout aussi bien pu lancer des bombes ! 

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Document personnel de l'auteur
Photo non orientée prise par l'escadrille Serenissima de G. D'annunzio le 9 Août 1918 au dessus de Vienne
 le grand bâtiment central doit probablement être le Parlement, à sa gauche le jardin doit être le Rathaus Park
et celui visible au dessus, le Volks Garten : on est donc dans le coeur de la capitale Autrichienne



Les Autrichiens comprirent alors parfaitement que Vienne était fort peu protégée, d'autant plus que les nations slaves annexées ainsi que les Magyars avaient décidé de prendre leur indépendance.

Mais mon grand-père avait continué son travail. 




La dernière offensive...


Il a interprétée des photos pendant le mois d'Août et son travail s'est accéléré ensuite : L'offensive Alliée qui devait terminer la guerre sur le front Italo-Autrichien se préparait activement.

Des bruits d'une demande de cesser le feu par l'Empire Autrichien courent au début d'Octobre.

Au même moment, une épouvantable épidémie commence avait commencé à décimer les armées et les populations européennes (408 000 morts rien qu'en France).

{Cette grippe dite Espagnole - elle était en fait Américaine ou Chinoise (virus H1N1) - fut responsable de 100 millions de morts. 

C'est une conséquence directe de la Première Guerre Mondiale, parce que comme pendant toute guerre, les mouvements de populations (soldats comme réfugiés) furent considérables de même que les flux de marchandises, y compris d'animaux vivants, vecteurs innocents de maladies virales ou autres. 

Les contrôles sanitaires avaient simultanément été réduits au minimum dans les pays neutres, par souci d'accélérer les procédures et donc de gagner un maximum d'argent. 

En conséquence, les vecteurs de maladies accédèrent à d'immenses territoires vierges : Les dégâts furent considérables, pas seulement pour les hommes mais aussi pour les végétaux (invasion du Doryphore de la pomme de terre en Europe).}


Le 10 Octobre, André reçut sa nomination au grade de sergent. 

Il devenait sous-officier, ce qui l'a grandement réjoui, d'autant plus qu'il n'était pas muté ailleurs. 

Le lendemain, les officiers de l'escadrille 22 lui ont offert le premier exemplaire de la broche en vermeille qui représentait la Louve Romaine nourrissant Romulus et Remus exécutée d'après la photo de son dessin.





Document original de l'auteur - La broche offerte le 11 Octobre 1918 à mon grand père André Delpey, réalisée par un artisan Italien d'après la photo de son dessin.



Le 21 Octobre, André est surmené. 

Il a dû faire les identifications sur 3 reconnaissances, chacune comptant 36 plaques photographiques, et diriger le travail des quelques dessinateurs qui n'étaient ni en permission ni malades de la terrible grippe. 

Il n'a pu se coucher que vers 2 heures du matin.

Le lendemain 22, son collègue qui, la veille, était rentré ivre d'une virée à Vérone, criant après tout le monde et qui avait même cassé des clichés (les négatifs des photographies étaient toujours sur un support de verre), s'est mis à son service pour se faire pardonner son comportement d'ivrogne (très fréquent à l'époque).

Mais le travail qui restait à faire était énorme.



Vers la victoire, malgré les pertes


Cette journée est assombrie par la mort (du fait de la grippe) du Lieutenant observateur Ousset.

Cependant, il y avait une puissante lueur d'espoir pour les Alliés : C'était déjà le début de l'offensive Alliée qui conduisit à la très brillante victoire de Vittorio-Veneto.

Le 23 Octobre, l'offensive - essentiellement menée par les troupes Italiennes - s'est déroulée sous des trombes d'eau. 

Dans la nuit, une énorme explosion a fait trembler les maisons, ouvrant les fenêtres et les volets de celle où André dormait. 

Cela s'est passé dans la montagne et de formidables lueurs rouges illuminaient le ciel.

Quatre jours plus tard, André est ému de recevoir les félicitations, pour sa promotion, du commandant Massot

L'offensive Alliée semblait avoir bien avancé. 


La seule ombre au tableau, ce jour-là, fut la blessure par plusieurs balles de mitrailleuse - je suppose - aux 2 jambes du lieutenant observateur Bordas. 

L'avion, piloté par le capitaine Dartein, ne volait qu'à 50 m d'altitude et son pilote en a réchappé par miracle. 



Le 30 Octobre, le lieutenant Maître - le pilote qui avait donné le baptême de l'Air à André l'année précédente - voulait définir avec précision les nouvelles lignes tenues par les Autrichiens. 

Pour bien voir, il a volé très bas, 50 m du sol, mais dans un virage, après avoir survolé un village qui venait d'être conquis par les troupes amies, une balle venue du sol a traversé la poitrine de son mitrailleur, l'adjudant Bigot, le tuant sur le coup.



Je me permets de souligner que ces deux pertes, à 3 jours d'intervalle, sont le reflet d'un excès de confiance des pilotes dans leur habileté. 

On voit aussi bien à 150 m du sol qu'à 50 m, mais on y est nettement moins vulnérable. 

Ce perfectionnisme sera de mise encore pendant toute la 2ème Guerre Mondiale et dans quelque camp que ce soit.


Toujours est-il que l'ennemi reculait plutôt vite et que l'escadrille 22 allait sans doute devoir déménager bientôt au delà du Piave.


Le 1er Novembre, un avion de la 22 a pu se poser sur l'aérodrome de Feltre, récemment reconquis. 

Les Autrichiens y avaient laissé quatre appareils sur place, et les aviateurs Français ont ramené des trophées, dont une mitrailleuse.

Le moral de nos hommes est au plus haut.


Le lendemain, les plénipotentiaires sont arrivés pour négocier la fin des hostilités. André note que l'on n'entend plus le canon. 

Pour mémoire, lorsque mon père suivait les cours de l'école d'artillerie de Fontainebleau en 1916, ses camarades et lui entendaient le grondement sourd des canons de la bataille de Verdun, à près de 400 km de là.

C'est dire à quel point ce silence a dû paraître incroyable, irréel même !



L'Armistice


Dans la nuit du 3 au 4 Novembre, mon grand-père, qui s'était couché très tôt en prévision d'une visite du secteur sur lequel il avait exercé ses talents pendant  plus de 6 mois, fut réveillé par un interminable carillon. 

C'était l'annonce de l'Armistice entre les Alliés et l'Autriche. 

André, incapable de s'endormir, s'est habillé et il est sorti de la maison où il était logé. 

Des soldats Italiens couraient en tous sens en criant "E finita la guerra". 

Passant devant lui, ils ont eu la gentillesse de crier "Eviva la Francia".

Les cloches ont sonné toute la nuit, car chaque soldat qui passait près du Campanile venait tirer sur les cordes animant les cloches...


A 8 heures du matin, malgré tout, une automobile a emmenée André à la popote des officiers où l'attendaient le commandant Massot, le lieutenant Maudet et le lieutenant Maître. 

Ils traversèrent Marostica et montèrent vers l'Altipiano par des routes en lacets. 

Le trajet fut long, et sitôt arrivés près des anciennes lignes Italiennes, ils croisèrent des colonnes de prisonniers Autrichiens haves, sales, hébétés et malodorants.

Une fois arrivés dans le secteur autrefois Autrichien, ils traversèrent Asiago, ancienne station thermale, puis Gallio, qu'André a contribuer à faire canonner.

Ils y laissèrent leur voiture pour continuer à pied vers le val Frenzela. 

Là intervient l'aspect militaire de cette virée.

André constate que "les interprétations que j'ai faites sont assez justes, plus même que je ne l'espérais, seules quelques entrées d'abris, dissimulées sous des roches en corniche et parfaitement invisibles sur les vues aériennes m'ont forcément échappées. 
Le relief du sol est aussi beaucoup plus grand que nous ne nous le figurions."

Evidemment, comme l'avancée alliée était très récente, certaines constatations sont très désagréables. 

Ainsi, un village entier a fait explosion. Il contenait d'important dépôts de munitions (il est probable que c'est leur explosion qui avait réveillé André dans la nuit du 23 au 24 Octobre 1918). 

Les maisons ont été anéanties, les camions de passage aussi, parsemant les alentours de débris lamentables, auxquels des cannons abandonnés se sont ensuite ajoutés


Dans les baraquements ennemis, André et les trois officiers trouvent des casques, des fusils, des couvertures et des quartiers de viande, mais le tout était d'une saleté repoussante. 

André suggère que le val Frenzela soit rebaptisé Val Feuillées...

Mais il a une bonne surprise dans une baraque qu'il trouve décorée de cartes postales de tableaux français, notamment le portrait de Mme de Lamballe par Mme Vigée Lebrun, un tableau de Boucher et le Floréal de Raphaël Collin. 

Il en a envoyé 2 à Marguerite, son épouse (ma grand-mère... morte 4 ans avant ma naissance), pour qu'elle puisse montrer à ses élèves que la peinture Française était appréciée même chez nos ennemis.

L'excursion s'est terminé à 21 h 30, et les quatre hommes dînèrent ensemble, un repas paisible arrosé de vins fins...


Le 6 Novembre, le commandant demande à André de faire un rapport sur ce qu'ils ont vus ensemble et d'en tirer des conclusions pour l'avenir de l'étude tactique de la photo aérienne.

C'est ce que l'on appellerait maintenant des retours d'expériences (Retex). 


Je suis sûr que mon grand père les a faits et, tel que je l'ai connu, ils devaient être très intéressants. 

Mais je n'en ai bien sûr aucune trace.


Le 11 Novembre, André fut réveillé par la nouvelle de l'Armistice, "doux réveil s'il en fut". "Enfin, c'est donc vrai, ce long cauchemar est terminé."  

La nuit fut occupée par des manifestations de joie : Les fusées de signalisation servirent de feux d'artifices et tout le monde sonnait les cloches, ce qui provoqua la rupture des cordes !

Le Jeudi 14 Novembre, André est parti avec un collègue visiter Venise par autorisation du général commandant le secteur. 

Dès la sortie de la gare, ce fut une immense fête pour les yeux de mon grand père. 

Et cela a duré toute la soirée et toute la journée du lendemain. 

La splendeur richissime de la cathédrale Saint Marc l'a stupéfié. 

Il voudrait que son épouse partage ses sensations et lui promet qu'ils viendront bientôt ensemble.

Le 2 Décembre, son ami pilote Rousseau l'a emmené visiter Venise par la voie des airs.  

Le temps était superbe. 

André a parfaitement repéré ce qu'il avait vu à pied ou en gondole. 





Document personnel de l'auteur - Venise par la voie des airs le 15 décembre 1918
Un croiseur léger (peut-être capturé) stationne près de la place St Marc



Mais le Salmson A2 les emmènait plus loin, vers le Lido. 

La flotte Alliée était encore là. 

Nos aviateurs sont revenus vers la ville des Doges à seulement 400 m d'altitude. 

Les détails étaient plus nets, la foule grouillait sur la place St Marc. 

Mais il était temps de rentrer. 

André découvrit les cimes des Dolomites et leurs ombres bleues sur la neige. 

Encore un moment d'émerveillement pour André.

L'avion s'est posée sur le terrain qu'un groupe d'artillerie à utilisé pour manœuvrer, ce qui le fait cahoter un peu.

Le vol a duré juste une heure.


Les lettres de mon grand-père à ma grand-mère s'arrêtent là.



Mais les photos pas tout à fait. 

Je comprends très bien qu'André ait photographié le Prince de Galles (futur Duc de Windsor).

Par contre, je ne sais absolument pas pourquoi il avait des photographies le général Sarrail, dont les talents militaires furent bien loin d'être à la hauteur de ses talents de délateur des officiers catholiques (affaire des fiches) ou de son carriérisme indécent (voir le post de JD Merchet sur son blog Secret Défense). 

Il fit partie de ces officiers supérieurs qui lancèrent leurs hommes dans des offensives qui semblent avoir en général bien débuté mais qui ont toujours été vouées à l'échec. 

Ainsi, il perdit de 60 à 80000 hommes pour rien pendant la dernière partie de la première bataille de la Marne. 

Ayant été intrigué par ce manque systématique de résultat positif de ce général très bien noté, je propose une hypothèse : Sarrail avait toujours refusé d'aller commander là où l'Armée Française intervenait, ce qui veut dire hors de France. 

En conséquence, il ne savait de la guerre que ce qu'il avait appris de manière plus ou moins scolaire ou par ce qu'on lui en avait raconté. 

Il n'avait donc pas pu s'enrichir de l'expérience qu'apporte la prise de conscience que l'ennemi que l'on attaque vient de s'adapter à la méthode qui vient de lui être appliquée.

Par conséquent, il n'avait pas appris, par sa propre expérience, à détecter le changement de tactique de l'ennemi à temps. 

Je ne suis pas sûr que l'on puisse faire l'économie d'un commandement sur le terrain, et ceci quel que soit le métier que l'on exerce.




Document personnel de l'auteur  -  Le Prince de Galles sur sa voiture.
Des chaînes sont montées, indiquant que la voiture est gréée pour rouler sur la neige. 



Envoyé en Grèce après avoir été relevé de son commandement par Joffre, il aboutit à déposer le roi Constantin. Il lança une offensive qui n'aboutit pas à grand chose. 

Clémenceau, lui aussi de gauche, mais véritable républicain, aimait les gens qui faisaient passer l'amour de la France avant leur carrière personnelle. Il l'a alors relevé de son commandement. 

Sarrail s'est fait remarquer encore en 1924-25, lorsque ayant été remis en selle par le Cartel des Gauches, il fut envoyé en Syrie pour mater la rébellion Kurde. 

Mais sa brutalité l'ayant amené à bombarder Damas, il fut renvoyé en France.





Document personnel de l'auteur - Au centre, fixant l'objectif, le Prince de Galles.
A droite pour nous, le général Sarrail, particulièrement satisfait de lui même et de passer à la postérité...



Qu'aurait-il fait en Italie au moment de la Victoire alors qu'il n'y était strictement pour rien ? 

Mais je suis de moins en moins sûr que ces photos aient été prises en Italie. 

Elles doivent plutôt avoir été prise une année plus tôt,en Grèce. 

Auquel cas, elles auraient été fournies, un peu à la manière des tracts, pour faire monter la popularité de Sarrail

Il existe encore beaucoup de rues du Gal Sarail en France, ce qui ne correspond pourtant en rien à ses états de service, alors que le Maréchal Fayolleauteur, lui, d'un remarquable travail (c'est lui qui, pour l'essentiel, a bloqué les offensives Allemandes de 1918), est moins récompensé par les municipalités.









jeudi 14 juin 2012

La Chasse Allié et l'interception des hostiles en 1940 (révisé 27 / 11 / 2020 *)

(you can read this post in English on my blog in English Flashback to glorious planes)



Introduction


Cet article complète et concrétise, à partir des données publiques, les situations tactiques rencontrées par la Chasse introduites dans mon travail sur la Luftwaffe attaque ! Quelle réaction dans la France de 1939 à 1940 ? 

En 1939-1940, l'intervention de l'arme aérienne ennemie dans nos lignes concerne un certain nombre de cibles terrestres que j'ai traitées au début de mon article sur les bases du bombardement en France car ce qui était vrai pour nos bombardiers l'était tout autant pour ceux de l'ennemi.

Les objectifs conditionnent toujours l'attaque qui, elle-même, impose des méthodes de défense spécifique


Les moyens employés pour se défendre d'une attaque différaient suivant les objectifs à traiter.
Il y avait :
  • les passages isolés d'avions de reconnaissance stratégiques (= avions-espions) à haute altitude (de 7 000 à 10 000 m), 
  • les bombardements sur zone à moyenne altitude (entre 4 000 et 5 000 m).
  • les attaques à très basse altitude (strafing). Ce dernier cas était le fait de chasseurs mono ou bimoteurs (Messerschmitt Bf 109 ou Bf 110, Henschell 123). 
    • Une simple DCA légère suffisait à porter des coups très sérieux aux légers chasseurs monomoteurs.
    • Par contre, la chasse avait beaucoup de difficulté à les contrer, parce que discerner un avion volant près du sol est très difficile et parce que voler très bas, très vite, implique aussi - outre le danger de collision avec le sol - que le moteur sera moins bien refroidi : l'exercice ne peut pas donc durer très longtemps.
  • les attaques de précision en piqué. Les contrer relevait à la fois de la chasse et de la DCA, mais, du fait que le piqué commençait vers 2 000 ou 2 500 m, cela ne posait pas un problème d'interception mais une présence assurant une protection a priori d'un point sensible, protection éventuellement mobile (pointe d'une force offensive amie, par exemple). Autrement dit, les chasseurs amis devaient y être présents en permanence.    
Les deux premiers cas n'étaient pas justiciable de la DCA et, de ce fait, impliquaient impérativement une capacité d'interception

Inutile de rappeler que, de toute manière, si la capacité d'alerte était défaillante, l'interception ne pouvait pas avoir lieu.


Le cas le plus difficile : Intercepter les vols à haute altitude


Les reconnaissances stratégiques ennemies étaient très importantes puisque les informations recueillies par leurs avions permettaient de définir les zones de force et de faiblesse de nos dispositifs

Pour cela, l'ennemi pouvait comparer les images obtenues en lumière normale et en infra-rouge à l'ensemble des autres renseignements qui étaient à sa disposition.

Le général Heinz Guderian avait pu ainsi constater que la région de Sedan n'avait pas de bonnes fortifications et aussi que rien n'avait été fait pour les renforcer entre le 3 Septembre 1939 et le 1er Mai 1940 (H. Guderian, Mémoires d'un soldat, Plon,1954).

Les méthodes d'interception d'avions volant à haute altitude (en général, à 8 000 m) semblent, à cette époque là, avoir été divisée en 3 écoles de pensée :
  1. Envoyer en priorité les avions dotés de la meilleure vitesse ascensionnelle, solution parfaitement correcte.                                                                                                                       
  2. Faire croiser à moyenne altitude des patrouilles dites légères (2 avions) et les charger de l'interception. Cette solution était coûteuse mais efficace.                                                      
  3. Installer les pilotes dans les avions jusqu'à ce que l'alerte soit donnée. Cette solution, mathématiquement juste (en apparence), fut en fait catastrophique. Le pilote n'était pas installé correctement, donc il se crispait, s'énervait, prenait de mauvaises positions pendant plusieurs heures en attendant. Dans le même temps, les avions ne servaient à rien : C'était donc un parfait gaspillage de ressources tactiques précieuses.
Malheureusement, en France, nous avions privilégié cette mauvaise 3ème solution, désignée comme "état de super-alerte".


Le célèbre film Britannique : la Bataille d'Angleterre (1969) apporte une remarquable pédagogie de l'interception :
  • Sitôt posés les chasseurs devaient être ravitaillés en essence et en munition et les pilotes prêts à repartir au combat. 
  • Si l'alerte retentissait, les pilotes avaient 120 secondes pour décoller. C'était extrêmement serré comme chronologie, mais ils s'y étaient pliés avec succès.

Presque une année plus tôt, en Décembre 1939, le commandant du groupe qui expérimenta pour de vrai le Bloch 152 - bien trop tard par rapport à ce qui eut dû être fait - nota que le temps entre alerte et décollage était d'au moins 4 minutes dans le meilleur des cas. 

C'est que les pilotes Français de 1939, en pleine drôle de guerre, vivaient loin de leurs avions et n'étaient pas non plus entraînés à l'effort physique (course jusqu'à l'avion) : En un mot, ils n'avaient pas encore compris ce qu'était la guerre.

Cela signifie aussi que si l'on avait effectivement chronométré nos pilotes en situation d'alerte, on n'avait pas cherché à aller plus loin et on ne les avait pas entraînés à gagner du temps.

Les témoignages de mon grand-père maternel et de bien d'autres montrent que, en cela, ils étaient bien loin de leurs prédécesseur de la guerre de 1914-1918.

Donc, nos pilotes partaient en retard mais il faut reconnaître que même les pilotes de chasse Britannique ne firent guère mieux jusqu'à la Bataille d'Angleterre. 

Si l'amélioration fut nette à ce moment-là, il faut rappeler que, jusqu'en fin 1942, le survol du Royaume Uni par des Junkers 86 P resta très facile à cause du manque chronique de plafond des chasseurs Britanniques. 



Les vitesses ascensionnelles


De toute façon, les capacités d'interception de la chasse Française dépendaient de la capacité ascensionnelle des chasseurs choisis.



Document personnel de l'auteur - l'altitude est portée en ordonnées  et le temps en minutes est portée en abscisses


Pour l'interception d'un raid de bombardiers évoluant à  4 000 m, les 2.5 minutes de différence qui existaient entre les différents chasseurs ne jouaient pas de manière vraiment discriminante entre le meilleur et le pire temps

Par contre, une fois la montée effectuée, la vitesse de pointe du chasseur devenait essentielle: Là, seuls les plus rapides pouvaient être efficaces.

Les choses se compliquaient - essentiellement pour un Morane 406 - si le raid ennemi volait juste 1 000 m plus haut, à 5 000 m. Il prenait 3 minutes pleines pour ce minime surcroît d'ascension, là où son concurrent Nieuport 161 - dans sa version de 1936 et non dans la version de 1938 - ou le Dewoitine 520 ne rajoutaient que moins de 90 secondes à un temps déjà très significativement plus court

Dans ce cas, le "chasseur" favori du CEMA avait donc besoin d'un petit quart d'heure - tout compris - pour y arriver. 

Quand, enfin, il était en place, il n'avait quasiment aucune chance d'empêcher les bombardiers de faire leur travail, et il devait essayer de les rattraper, sans beaucoup d'espoir.  

Ce fut illustré par la poursuite bien peu fructueuse du groupe II/7 de Luxeuil (voir cet article, deuxième section).

Par contre, la Chasse Allemande d'escorte (si elle était présente) venait l'accueillir, et chaudement, bien sûr.


Vous brûlez bien sûr de me rappeler qu'il y a quand même entre 175 et 188 victoires dans l'escarcelle du Morane ? Oui, mais beaucoup d'entre elles résultaient de rencontres fortuites, les Allemands étant particulièrement actifs, donc fréquents, vu qu'ils attaquaient.


Vous ne voyez pas la courbe du Caudron CR 714 parce que, du sol jusqu'à 5 000 m, elle se confondait avec celle du Morane 406, mais elle était un peu meilleure au dessus !

Pas de quoi s'extasier, certes, mais pas non plus les mensonges éhontés de nos officiels qui ont voulu pérenniser l'image d'un Morane bon grimpeur, niant farouchement toutes les expériences opérationnelles de nos pilotes.


Si l'entame ascensionnelle du Curtiss était brillante jusqu'à 3 000 m, passés les 4 000 m, les performances se tassaient en attendant le refroidissement du moteur. 

D'ailleurs, son moteur Pratt & Whitney R-1830-SC-G, particulièrement mal suralimenté, ne donnait pas grand chose passée cette altitude. 

Quelques bonnes interceptions furent cependant possibles par ses pilotes tant que le réseau d'alerte a tenu, mais il faut reconnaître aussi qu'elles étaient plus liées aux très bonnes visions tactiques des pilotes qu'aux qualités de leurs avions.


Les Bloch de 1939  - encore bien peu au point, avec leur énorme ouverture de capot de 1 m de diamètre, leur absence d'échappements propulsifs et leur moteur un peu moins puissant - n'étaient pourtant pas ridicules du tout. 

Notons que les temps du Bloch 152 bon de guerre de Mai 1940 devaient être meilleurs et se situer à mi-chemin entre ceux donnés ici et ceux du D 520.


Le chasseur D.520 n'a pas été mis en place au bon moment, mais on voit bien qu'il eut parfaitement interdit les plus décisives des reconnaissances Allemandes.

Il n'a jamais éprouvé de difficulté à intercepter les raids adverses, sauf, semble-t-il, le 3 Juin 1940, mais, ce jour-là, l'ensemble du dispositif Français était parti de manière désordonnée, ce qui revient plus à un problème de transmission de l'alerte qu'à d'autre chose.

J'ai aussi donné les temps de montée du Nieuport 161 mesurés en 1936 car ils constituent une triple référence.
  • Ils démontrent la très médiocre conception tactique de ceux qui ont commandé le Morane 406 comme chasseur standard, avion qui perdait 11 minutes 35 secondes sur le Nieuport 161 pour monter à 8 000 m (!)
  • Les temps du N.161 (de 1936) étaient de 15 secondes meilleurs que ceux du chasseur Messerschmitt Bf 109 E de 1940 (oui, le fameux Emile de 200 Cv plus puissant), sauf au dessus de 7 000 m où le chasseur Allemand s'essoufflait et perdait encore 90 secondes pour arriver à 8 000 m. 
  • Enfin, le Dewoitine D. 520 présentait un écart de temps faible avec le LN 161, mais constant au-dessus de 5 000 m

Le problème de l'interception, mal pensé en France, touchera tous les belligérants, à un moment ou à un autre de la Seconde Guerre Mondiale


Maintenant, regardons un peu en dehors de l'Hexagone.

Si l'Air Marshall Dowding exigeait des pilotes Britanniques, pendant la Bataille d'Angleterre, que leurs avions fussent en l'air au bout de 2 minutes, et pas plus, c'est que l'interception des bombardiers Allemands n'avait rien de facile, malgré un système d'alerte quasi parfait et des avions qui montaient tout à fait correctement.

Mais, si on repart en début Mai 1940, le diagramme suivant montre que les interceptions par les chasseurs Britanniques qui fonctionnaient au-dessus de la France n'avaient rien de facile.



Document personnel de l'auteur - les chasseurs Britanniques étaient alors équipés d'une hélice De Havilland à 2 pas



Le Spitfire aurait été le seul avion Britannique à pouvoir intercepter correctement les reconnaissances Germaniques
Mais il fut totalement absent du champ de bataille Français.

Le Hurricane était nettement inférieur (les données disponibles, et que j'ai employées ici, ne correspondent pourtant ni aux dires des pilotes Alliés ni au ressenti des pilotes Allemands...). 

En outre, les Britanniques qui combattaient en France ne disposaient pas d'un système d'alerte comparable à la Chain Home.


Comme les autres, mais plus tard, en 1942, les Allemands expérimentèrent à leur tour le problème de l'interception quasi-impossible lorsque des bombardiers Mosquito, volant vite à relativement haute altitude, vinrent déverser leurs bombes sur les cités Allemandes, multipliant à faible coût humain les alertes qui réveillaient
 chaque nuit des millions de gens

Les radars Allemands étaient pourtant excellents, le système de transmission d'alerte également, mais leurs chasseurs ne montaient quand même pas assez vite. 

Adolf Galland poussa un soupir de soulagement, en 1944, lorsque les chasseurs à réaction Me 262 décollèrent pour les intercepter. 

C'était bien trop tard, la décision (= 
la Victoire Alliée) était déjà acquise...

Car l'alerte aérienne ne peut jamais faire décoller plus d'avions qu'il n'en existe et elle ne leur confère pas un punch plus puissant.



Les soviétiques disposaient
 d'un bon intercepteur, avec le Mig 3, qui volait vite et montait très honorablement pour un avion du début de 1941 (8000 m en 10'30", un temps digne du Messerschmitt Bf 109 F1 strictement contemporain, et très proche de celui du Nieuport 161-03 du 2ème semèstre 1938). 

Mais le système d'alerte soviétique était encore balbutiant. 

Cela dura, au moins, jusqu'en 1944. Mais les dégâts furent heureusement limités par l'immensité du territoire Russe. 



Les Japonais disposaient, au début de la guerre du Pacifique, de chasseurs très bon grimpeurs jusqu'à 6 000 m, apparemment sans avoir compris l'intérêt de voler au-dessus de cette limite. 

Les B 29 qui commencèrent à les écraser de bombes au Printemps 1944, n'eurent donc jamais face à eux une forte opposition, même lorsque les radars et les types de chasseurs Nippons eurent atteint les meilleurs standard : La production d'avions et de pilotes bien formés avait été trop fortement compromise bien avant.



A Pearl Harbour, le 7 Décembre 1941, les Américains disposaient d'un excellent radar qui envoya l'alerte largement en temps et en heure. 

Ils y disposaient aussi d'une considérable flotte d'avions de chasse. 

Mais la chaîne de commandement toute entière y était aussi minablement nulle que celle de notre commandement à Sedan : Au lieu de déclencher une alerte de précaution en lançant tout le monde en l'air, on ne fit rien. 

Le résultat est bien connu : Catastrophique !