samedi 4 août 2012

Spitfire sous globe : La mauvaise stratégie du chef du Fighter Command (Explicité et complété le 19 / 08 / 2022 ***)



Sacrifier le Monde entier pour les Spitfire ?


Toutes les sources courantes nous disent que Lord Dowding, chef du Fighter Command en 1940 refusa avec beaucoup de sagesse d'envoyer ses Spitfire en France

Ceci est probablement le genre "roman pour enfants de moins de dix ans" que l'on peut laisser traîner pour rasssurer ceux qui ne veulent pas chercher à savoir la vérité politique

D'abord parce que le vrai décideur a très certainement été le gouvernement Britannique, Winston Churchill

Cependant, en y réfléchissant,  le choix de conserver le meilleur avion à la maison pour y défendre le sol national, me paraît pourtant bien loin d'avoir été pertinent (même s'il a été largement approuvé après la fameuse Bataille d'Angleterre)



Base de réflexion


Tout le monde sait que les pilotes de Hurricane se battirent avec beaucoup de courage et, relativement, pas mal d'efficacité en France. 

A cause de cela, ces hommes se forgèrent très rapidement un entraînement remarquable au combat contre l'ennemi aérien le plus dur qui se puisse rencontrer à l'époque. 
Les pertes subies au combat dans notre ciel suggère toutefois que leur entraînement du temps de Paix était insuffisant.

Du fait de leur participation à notre bataille, ils surent tirer le meilleur possible de leurs avions pendant la Bataille d'Angleterre. 

Ayant obtenu un nombre de victoires plus grand que celui des pilotes de Spitfire pendant la bataille d'Angleterre deux mois plus tard signifie que, malgré un avion largement inférieur sur tous les plans, les pilotes de Hurricane avaient réussi à compenser une partie de leurs handicaps.

Cette compensation me paraît être venue à la fois de leur meilleure faculté à analyser les données de combat en temps réel - et cela ne s'apprend qu'au combat (cf. top gun) - et de la mise au point définitive de leur monture.


Anomalie significative

Par contre, fin Mai 1940, au moment de l'évacuation de Dunkerque, lorsque les pilotes de Spitfire découvrirent, enfin, le Messerschmitt 109, ils n'avaient encore jamais pratiqué de combats contre la Jagdwaffe

Une anecdote significative, parmi d'autres citées par Patrick de Gmeline dans son livre Les Ailes de 1940 (Presse de la cité, 2007, p. 106) démontre leur immense désaroi : Le PO James McComb, du Squadron  611, voit son collègue, le sergent Sadler, en virage très serré et faisant  des gestes grossiers à des Bf 109 qui tentent de le descendre (mais le ratent). 

Je n'en ai pas parlé jusqu'à cette année 2021, car cette réaction puérile me paraissait impossible pour des chasseurs professionnels.

Ces pilotes de Spitfire subirent alors des pertes qui, à mon très humble avis, furent significativement trop fortes eu égard aux belles qualités du Spitfire et à leurs propres potentialités de pilotes. 

Ceci démontre l'extrême pertinence des remarques de notre grand Ferdinand Foch sur l'intérêt de ne pas trop traîner avant de placer les jeunes guerriers en condition réelle de combat (Le Mémorial de Foch, Editions de France, Mai 1929).


Les pilotes Allemands ont insisté, après la guerre, sur la mauvaise surprise qu'avait constitué leur rencontre avec les nouveaux chasseurs Britanniques. 

Il est possible qu'ils aient pris les Spitfire pour des Hurricane et  cela ne pouvait que se passer très mal.


Pourtant le bilan des pertes coté RAF ne s'était toujours pas amélioré en Juillet 1940, puisque 34 Spitfire et 33 Hurricane furent abattus alors même que :
  • le nombre des Hurricane était très supérieur à celui des Spitfire (suivant un rapport 2/3 en faveur du Hawker).
  • Si ces deux chasseurs avaient été exactement de même valeur en combat, et qu'ils aient été pilotés par des pilotes sachant aussi bien en tirer partie, il aurait donc dû y avoir 2 Hurricane abattus pour chaque Spitfire descendu, donc, au lieu des 67 avions abattus en Juillet, le bilan aurait dû être de 16 Spitfire et 33 Hurricane, soit (au plus), 49 avions perdus.  
L’égalité constatée ici – et sur un nombre d’avions significatif (à peu près quatre squadrons) – suggèrerait que le Spitfire était deux fois moins efficace que le Hurricane

Si on tient compte de l'effarante facilité qu'avaient les mitrailleurs de bombardiers Allemands à enflammer les Hurricane en tirant sur leur réservoir central, il va de soit que ce bilan est épouvantable pour les Spitfire.

A l’évidence, cela ne correspond absolument pas à la valeur intrinsèque des deux chasseurs Britanniques

Mais cela démontre surtout que les pilotes de Spitfire de Juillet 1940 étaient encore de la bleusaille. Point !


Certains vont encore ergoter en disant que ce chasseur n'était pas encore totalement au point, mais aucun matériel militaire - quel qu'il soit - n'est au point tant qu'il n'a pas été confronté par ses véritables utilisateurs à d'authentiques ennemis. 
On doit alors rappeler à ces bonnes âmes que le Spitfire volait depuis 4 ans  (mais jamais en ambiance hostile) ! 


Pour parvenir enfin à la, il aura fallu attendre que le chef pilote d'essais Jeffrey Quill vole comme pilote de chasse pendant la Bataille d'Angleterre (2 victoires en 3 jours !) et qu'il éprouve personnellement en combat à quel point la force exigée à haute vitesse pour mouvoir les ailerons était trop élevée pour obtenir une rotation en roulis satisfaisante

Après cela, Vickers modifia enfin le mode de construction des ailerons. Ce retour d'expérience eut lieu bien trop tard... et ne se fit sentir qu'après la fin de l'année 1940.

De nos jours, on peut lire (Wikipedia en langue anglaise du début Août 2012) que le choix des ailerons entoilés qui réduisaient fortement les capacités de roulis à grande vitesse était un choix volontaire, destiné à éviter les manœuvres trop brutales

Cela ne me paraît absolument pas crédible. Si
, cependant, cette allégation est vraie, cela démontrerait la stupidité incroyable des décideurs de la RAF. 

Cette structure permettait surtout des réparations faciles et bon marché.

Les biplans de la génération précédente devaient très difficilement passer les 500 km/h en piqué et leurs pilotes ne connaissaient que très rarement de tels problèmes...


Un emploi anormalement "pépère"


En Grande Bretagne, là où Lord Dowding les conservait, les Spitfire ne pouvaient détruire que quelques bombardiers égarés ou des avions de grande reconnaissance (= avions espions). 

Les méthodes de combat des pilotes de Chasse Britanniques n'avaient pas donc besoin d'être très complexes. 

Alors, ils pouvaient seulement peaufiner leurs qualités de tireur, ce qui était assez intéressant pour endurcir des pilotes néophytes.

Mais ils eussent aussi bien pu le faire avec des Hurricane.

Par contre, si une seule escadrille de Spitfire avait partagé la lutte des Français contre les Allemands dès le début, leurs pilotes eussent rapidement été confrontés en combat réel au Messerschmitt 109. 

Ils en auraient alors pris l'exacte mesure et auraient pu la transmettre à leurs collègues. 



L'issue des combats n'aurait probablement pas changé pour nous, Français, mais au moins Dunkerque aurait pu être mieux protégé, ainsi que les navires qui venaient récupérer les hommes. 

Enfin, et surtout, les pertes de l'Aviation Allemande à Dunkerque comme ensuite pendant la Bataille d'Angleterre eussent été bien supérieures. 

De nombreux pilotes Britanniques ont, à mon avis, perdu la vie pour cette pusillanimité de leur(s) chef(s).


Il me faut pourtant revenir sur une vision de politique internationale, ce domaine régalien qui n'intéresse jamais les Français (sauf De Gaulle) mais qui intéresse tellement les citoyens des autres pays.

A la fin de la Grande Guerre, les Britanniques trouvèrent que la France avait acquis une force armée trop grande à leur goût (lire cet article de Pierre-Yves Hénin sur le sujet). 

Ce fut une des raisons de la création du Bomber Command essentiellement orienté contre notre pays (les bombardiers devant avoir la capacité de lancer leurs bombes sur Paris).

Le puissant avion-torpilleur Cubaroo, destiné à détruire les cuirassés avec une seule torpille, devait probablement aussi viser à dissuader notre flotte de menacer la Home Fleet (!).

En conséquence de ces fantasmes déments, la prise de position de Dowding au Printemps de 1940 s'insert dans une posture visant à affaiblir l'image et le prestige de notre nation. 
La perte de la Bataille de France allait, évidemment, un poil trop loin, mais bien heureusement, Hitler n'a jamais compris la faiblesse militaire de la Grande Bretagne.
 

Toujours est-il que la supériorité du Spitfire était tellement évidente que même les Hurricane II furent rapidement utilisés à tout autre chose qu'à la chasse pure ! 
Devenus des "sangliers" d'attaque au sol (ou en mer), ils furent bien plus efficaces que leurs frères aînés.


La Chasse Britannique était aussi associée à un système de guet et d'alerte aérienne remarquable.

Heureusement pour nous, car les Allemands sortaient peu après le Bf 109 F et le Focke-Wulf 190... 




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